La découverte d'une étude psychologique menée secrètement par Facebook sur des centaines de milliers de membres a poussé une ONG américaine à porter plainte contre le réseau social.

Il fallait s'y attendre. L'existence d'une étude comportementale qui a amené Facebook à manipuler les émotions de plus de 683 000 usagers pendant une semaine n'a pas du tout plu à l'Electronic Privacy Information Center (EPIC), une ONG dont la mission est de défendre les libertés civiles et de protéger la vie privée. Celle-ci a en effet déposé plainte aux États-Unis contre le réseau social.

Adressée à la commission fédérale chargée du commerce (FTC), l'action de l'EPIC pointe le fait que le site "n'a pas obtenu la permission des utilisateurs pour mener cette étude ou informé ces derniers que leurs données seront communiquées à des chercheurs". Pour l'EPIC, ce travail enfreint une ordonnance sur consentement concernant la vie privée et est une pratique commerciale trompeuse.

Facebook, de son côté, se retranchera certainement derrière ses conditions générales d'utilisation, que les usagers sont censés avoir lues et acceptées lors de l'inscription sur le site communautaire. Celles-ci prévoient bien ce type d'expérience, mais il a été découvert que le passage concernant l'analyse de données, les tests et la recherche a été ajouté après le déclenchement de l'étude.

Quand prévenir les membres ?

Concernant l'information aux membres, c'est beaucoup plus délicat. En alertant les sujets composant l'échantillon, il y a un risque de perversion de l'étude. En effet, le fait de les prévenir à l'avance des tenants et des aboutissants de l'expérimentation peut amener ces internautes à modifier leur attitude en ligne, même inconsciemment, ce qui rendra les résultats finaux inexploitables, car faussés.

Pour Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur et maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, il aurait été tout à fait possible de prévenir les sujets avant le début de l'expérience, même sans trop en dire, justement afin d'éviter certains biais. Et en cas d'absence d'information préalable, il faut au moins alerter les intéressés à l'issue du test.

"Dans certains cas extrêmes, on peut à la rigueur se dispenser de ce préalable mais il est alors obligatoire, à l'issue de l'expérience, d'informer les gens qu'ils en ont été les sujets, et de leur demander leur accord avant publication des résultats, même si ces résultats sont entièrement anonymisés. Sinon ce n'est plus de la science, c'est du marketing", écrit-il sur son blog.

Audit de Facebook sur 20 ans

Dans sa plainte, l'EPIC a rappelé que Facebook est soumis depuis 2011 à des audits sur la vie privée qui auront lieu jusqu'en 2031, suite à un accord à l'amiable conclu avec la FTC. Pour l'EPIC, cette affaire ne cadre avec les engagements du réseau social pris lors de ses contacts avec l'agence américaine chargée du droit de la consommation.

En Europe, aucune plainte n'a jusqu'à présent été déposée. En revanche, l'autorité de contrôle britannique responsable de la protection des données et la commission nationale de l'informatique et des libertés sont en train d'analyser la situation, en concertation avec leurs autres partenaires. Il n'est pas certain que des Français aient été pris dans l'échantillon.

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