Une semaine après l’audition de Facebook et Twitter devant le Congrès pour en savoir plus sur la campagne d’influence russe menée sur ces plateformes pendant l’élection présidentielle américaine de 2016, les Paradise Papers viennent renforcer les soupçons sur un intérêt russe de longue date pour ces géants du web. Sans pour autant prouver une quelconque tentative d’influence.
L’enquête menée pendant un an par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et différents médias partenaires, dont Le Monde, sur les pratiques d’optimisation fiscale pratiquées dans le monde, révèle en effet que le milliardaire russe Youri Milner a investi 800 millions de dollars dans Facebook et 400 millions de dollars dans Twitter.
Le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, qui s’appuie sur des documents internes du cabinet d’avocat Appleby, leader mondial de la finance offshore, démontre que Youri Milner a pu compter sur le financement de deux sociétés proches du pouvoir russe pour réaliser ces investissements importants dans Twitter et Facebook.
5 % dans Twitter et 8 % dans Facebook
Ainsi, son fonds d’investissement DST Global a reçu 191 millions de dollars de la VTB, la deuxième plus grosse banque de Russie — dont le président, Andreï Kostin, est proche de Vladimir Poutine. Youri Milner a ensuite dépensé cette somme pour s’offrir une participation de 5 % dans Twitter en 2011.
Pour s’offrir une part de 8 % dans Facebook un an plus tôt, le milliardaire avait en outre pu compter sur les millions de dollars de Gazprom Investholding, une filiale du groupe russe Gazprom, également proche du Kremlin, qui l’utilise pour « des affaires politiquement et stratégiquement importantes » selon les explications au Monde d’Ilyza Zaslavskiy, conseillère au think tank Hudson Institute. Cette somme a ensuite été investie dans une société offshore liée à DST Global.
Youri Milner a toutefois revendu ses parts dans chaque réseau social peu après leur introduction en bourse respective, soit quelques années seulement après ses investissements. Contacté par l’ICIC, le milliardaire de 55 ans s’est défendu en affirmant que ceux-ci étaient purement commerciaux et nullement politiques.
Youri Milner dénonce les soupçons récurrents sur les Russes et la tech
Dans une longue lettre ouverte publiée ce dimanche 5 novembre, Youri Milner affirme en outre que les soupçons autour d’une tentative d’influence russe sont injustifiés : « S’il s’agissait d’une opération d’influence, nous aurions sûrement cherché une forme d’emprise sur ces entreprises. Pourtant, quand nous avons négocié avec Facebook et Twitter, nous n’avons pas de demandé à siéger au conseil, et nous avons assigné tous nos votes aux fondateurs, en estimant qu’ils étaient les plus qualifiés pour savoir comment diriger leur entreprise. » Un argument repris par Vanessa Chan, l’une des porte-parole de Facebook : « Il convient de noter qu’en tant qu’investisseur passif, DST Global n’avait aucun droit de vote ou siège au conseil. »
Youri Milner rappelle en outre ses différents placements dans le monde de la tech : « Après Facebook et Twitter, nous avons réalisé plus de 30 investissements sur des entreprise telles qu’Airbnb [pour plus de 100 millions de dollars], Spotify et Alibaba. Chaque décision a fait l’objet d’un [long travail de recherche préalable]. Cela représenterait énormément de tracas pour un simple alibi. »
Dans sa lettre, le milliardaire russe déplore enfin les soupçons qui entourent toute activité russe dans le monde de la tech depuis les révélations entourant la ferme à trolls de Saint-Pétersbourg qui a sévi sur Facebook pendant la campagne présidentielle américaine de 2016 : « Il est nécessaire de penser à l’effet global de ce genre de vision du monde. Plus de 3 millions de Russes vivent aux États-Unis. Des milliers d’entre eux travaillent dans la Silicon Valley […]. Se montrer soupçonneux de toute personne entretenant des liens avec la Russie et la tech revient à ratisser très large quand on connaît le nombre de Russes qui se montrent historiquement intéressés par la science et la technologie. »
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