Les États-Unis n’ont pas été le seul pays visé par une campagne numérique d’influence russe en pleine période électorale : les comptes de propagande proches du Kremlin ont également visé le Royaume-Uni avant le référendum sur le Brexit de juin 2016.
C’est ce que révèle Wired, qui a pu consulter une série de tweets datant de l’année dernière. Ces 139 tweets émanent de 29 comptes utilisés pour la campagne présidentielle américaine et reprennent les mêmes méthodes, dont des messages anti-immigration ou racistes, tout en y ajoutant des appels à voter pour ou contre la sortie de l’Union européenne — avec une nette majorité pour la seconde option — en utilisant des hashtags liés au Brexit.
Si tous ces comptes ont depuis été suspendus par Twitter, qui en a révélé les noms lors de son audition devant le Congrès américain, ils touchaient, au temps de leur activité, plus de 268 600 personnes et généraient régulièrement des centaines de retweets.
Des tweets pro-Brexit publiés par de prétendus patriotes américains
Leurs tweets ne rataient pas une occasion de réagir aux différents messages liés aux attentats ayant frappé l’Europe, ni de relayer des discours anti-réfugiés à base d’insultes racistes. En juin 2016, l’utilisateur SouthLoneStar — « Fier d’être TEXAN et patriote AMÉRICAIN » selon sa description de profil mais récemment identifié par Twitter comme un compte russe — tweetait ainsi : « J’espère que le Royaume-Uni commencera à purger son territoire de l’invasion musulmane après le #VoteduBrexit ».
En mars 2017, après l’attentat de Westminster, le même compte relayait la photo d’une femme voilée, la tête penchée sur son smartphone alors qu’elle traverse les lieux du drame, prétendument indifférente à l’attentat commis sur place — alors que la réalité du cliché est tout autre.
Car ces comptes sont restés particulièrement actifs après la victoire du « oui » au référendum, ce qui n’a rien de surprenant selon Ben Nimmo, spécialiste de l’influence russe en ligne : « Les [utilisateurs] cherchaient à se faire passer pour des militants américains d’extrême droite mais ils ont saisi toutes les occasions de diffuser leur message pro-Kremlin. » Le but n’était donc pas seulement d’influer sur le vote mais aussi de continuer à faire entendre les opinions russes dans le débat politique sur le long terme.
« Ce n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg »
Damian Collins, le député britannique conservateur à la tête d’une enquête sur fake news, qui a écrit à Facebook en octobre afin de savoir si les comptes russes ont tenté d’influencer sur le vote du Brexit, est loin d’être surpris par ces révélations : « Cela confirme ce que nous avons toujours cru et montre que les comptes russes se sont montrés actifs politiquement au Royaume-Uni comme aux États-Unis. Il ne s’agit peut-être que de la partie émergée de l’iceberg car nous avons à peine commencé à nous pencher sur ce que faisaient ces comptes. »
En octobre, BuzzFeed révélait déjà que plus de 13 000 bots Twitter avaient relayé des messages essentiellement pro-Brexit avant le référendum — sans toutefois pouvoir établir de lien avec la Russie.
L’ampleur de la campagne d’influence menée notamment par les publicités d’une ferme à trolls russe sur Facebook et Twitter expose ces réseaux sociaux à de vives critiques depuis plusieurs mois. Face au Congrès, début novembre, le réseau social de Jack Dorsey s’est notamment engagé à ne plus accepter de fonds étrangers pour ses publicités ciblées — contrairement à Facebook et Google.
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