Surprise du jour. Quelques jours après avoir dévoilé les nouvelles étapes d'un très théorique plan pour la légalisation du partage, voilà que le collège de l'Hadopi prend sa plume ce vendredi pour annoncer ubi et orbi qu'elle met en place un plan d'action contre les sites "massivement contrefaisants". Ce sont essentiellement les sites de streaming et de téléchargement direct (DDL) qui sont visés par ces actions, et qui vont permettre à l'Hadopi d'étendre son action au delà du seul P2P, de moins en moins utilisé.
Le plan proposé par le secrétaire général de l'Hadopi Eric Walter et approuvé par le collège s'inscrit sans surprise dans les traces du rapport MIQ remis avant l'été à l'ancienne ministre de la culture par Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la Commission de protection des droits de l'Hadopi. Il confirme ce que nous avions dit du double discours de l'Hadopi sur, d'un côté son projet de rémunération proportionnelle du partage, et de l'autre sa volonté d'affronter frontalement les plateformes sur lesquelles s'effectuent ces partages.
Voici ses quatre grands axes :
- "Mettre en place, dans le cadre de sa mission d’observation, un recensement fiable tant des services de communication au public en ligne offrant massivement au public des œuvres protégées sans autorisation des titulaires de droit que de leurs pratiques". Donc, lister tous les sites pirates ou utilisés massivement par des internautes pour pirater, qui pourront faire l'objet de représailles initiées par la Haute Autorité ;
- "Définir, avec les professionnels des différents secteurs concernés, notamment les intermédiaires de paiement et de publicité en ligne, qui mènent déjà de nombreuses actions dans ce domaine, des protocoles décrivant les actions pouvant, à partir de l’information fournie, être mises en œuvre pour assécher les revenus des sites internet massivement contrefaisants ou rendre plus difficile leur activité" : s'attaquer aux revenus des sites pirates était l'une des grandes idées du rapport MIQ, qui proposait de contourner la justice par le jeu des négociations et des pressions sur les intermédiaires techniques et financiers. Hélas, au risque d'alimenter d'autres sources au moins aussi redoutables dans leurs effets, puisque totalement hors de contrôle ;
- "Etablir une cartographie des différentes technologies de reconnaissance de contenus et d'évaluer leurs conditions d'utilisation pour assurer un retrait durable d’un site internet des œuvres signalées comme contrefaisantes par les ayants droit" : C'est créer les conditions d'une généralisation de l'utilisation de robocopyrights qui ont pour mission d'empêcher les violations de droits d'auteur, pour permettre la mise en place du Notice and Stay Down souhaité par MIQ et par le Conseil d'Etat. Ces technologies sont néanmoins très perfectibles, et coûtent très chers à mettre en place. Or l'idée sous-jacente est certainement de poursuivre en justice les plateformes "négligentes" pour leur imposer une obligation de moyens dans leur lutte contre le piratage, en fournissant une liste de "moyens" à leur disposition. Le juge pourrait alors constater l'éventuelle mauvaise foi du site qui n'accepte pas d'y avoir recours.
- "Développer la coopération avec les divers services de l’Etat compétents pour connaître des services de communication au public en ligne massivement contrefaisants, en vue notamment, de toute procédure de droit utile" : Clairement, il s'agit ici de pouvoir déclencher l'action judiciaire à la place ou en soutien des ayants droit, pour demander le blocage des sites qui auront été identifiés. L'idée pourrait être d'étendre l'article L336-2 du code de la propriété intellectuelle, pour permettre à l'Hadopi elle-même de demander au juge de prononcer "toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier". Mais il semble qu'à défaut de modification législative, l'Hadopi songe à faire remonter au parquet la liste des sites "massivement contrefaisant" qu'elle a référencée, pour que l'action soit ouverte sur initiative du ministère public.
En bref, l'Hadopi vient d'ouvrir un nouveau chapitre de sa vie, qui pourrait avoir bien plus d'effets concrets que les nombreux mais très indolores avertissements adressés aux internautes qui utilisent les réseaux P2P. Son ambition est cette fois-ci de s'attaquer aux sources, aux fournisseurs de contenus pirates, pour les faire disparaître. Par l'argent, ou par la force d'une décision de justice qui empêcherait les internautes français de les utiliser.
Mise à jour :
Eric Walter nous précise que les "procédures de droit utile" visées dans le plan d'actions peuvent dépasser le cadre des procédures actions judiciaires de demandes de blocage, pour alerter par exemple les services fiscaux ou les douanes, qui ont des pouvoirs propres d'enquêtes et de sanctions.
@gchampeau @Calimaq fisc, douanes, etc… (je cite je dis pas qu'on fera)
— Eric Walter (@EricWaltR) September 12, 2014
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