Le Conseil Constitutionnel a beau avoir expliqué à l'occasion de l'examen de la loi Hadopi que l'Etat ne peut pas priver un individu du droit d'aller sur Internet, car l'accès au réseau est une composante essentielle de la liberté fondamentale de pouvoir s'informer et s'exprimer, le message a encore du mal à passer. Pour enrichir le projet de loi antiterroriste présenté par Bernard Cazeneuve, une quinzaine de députés UMP ont co-signé un amendement de Christian Estrosi qui propose d'interdire l'accès à internet aux éventuels futurs terroristes qui seraient identifiés.
Ils demandent ainsi à leurs collègues députés d'approuver un rajout à l'article qui prévoit le blocage des sites terroristes, pour créer "une liste noire de l’ensemble des ressortissants français, y compris mineurs, qui projettent des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, ou sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, auprès de tous les fournisseurs internet présents sur le territoire national afin que ceux-ci suspendent leur connexion pour une durée minimum de cinq ans".
Une proposition plus politique que juridique
"La régularité de l’établissement de cette liste est soumise au contrôle d’un magistrat judiciaire", se contentent d'ajouter les élus UMP pour tenter d'obtenir une validation constitutionnelle, au motif que le juge judiciaire serait impliqué.
Heureusement, le caractère très amateur et flou de la rédaction de l'amendement fait qu'il n'a aucune chance d'être adopté en séance, et encore moins d'être approuvé par le Conseil constitutionnel en cas de contrôle. Mais il démontre une volonté politique évidente de brider les libertés de ceux qui n'ont même pas encore commis la moindre action terroriste, mais qui ont simplement pour projet hypothétique de se rendre à l'étranger auprès de groupes terroristes. Cette seule intention suffirait à les priver d'accès à internet pendant 5 ans, "minimum".
On voit bien là qu'il s'agit d'un simple positionnement politique, sans réalité juridique. Hélas, il faudra bien autre chose que des sorties provocantes pour éviter que des jeunes aillent tuer ou se faire tuer auprès de groupes terroristes. Comme, par exemple, redonner enfin de l'espoir à une jeunesse qui n'arrive plus à croire que la France, l'Europe et ses élus ont des solutions concrètes pour assurer un monde meilleur dans l'avenir. C'est la désespérance qui crée le terrorisme, et ce n'est certainement pas par la censure que l'on apporte de l'espoir.
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