Interrogé par Linternaute, Ouest-France et 20 Minutes, le président du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale a défendu le projet de loi anti-terroriste qui donne à l'Etat le pouvoir d'ordonner secrètement le blocage de sites dont l'illégalité n'est pas confirmée par un juge. "C'est une guerre pour la liberté", assure-t-il.

La semaine dernière, l'Assemblée Nationale a adopté le projet de loi de lutte contre le terrorisme, dans le cadre d'une procédure d'urgence qui fait qu'ils n'auront pas à revenir dessus lors d'une seconde lecture. Le Sénat devra approuver le texte en l'état, ou les éventuelles modifications apportées seront discutées dans l'intimité entre sept députés et sept sénateurs, lors d'une commission mixte paritaire dont le but est de parvenir à un texte de compromis. 

Parmi les mesures adoptées par les députés figure l'article 9 du projet de loi, qui organise le blocage sans contrôle d'un juge des sites dits de propagande terroriste. Le texte modifié par les députés dispose que "lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes (…) le justifient, l’autorité administrative peut demander" le blocage d'un site dont l'Etat estime dans sa grande sagesse qu'il fait l'apologie d'actes de terrorisme.

En cas de silence ou de refus de l'hébergeur dans les 24 heures, l'administration peut "notifier" aux FAI "les adresses électroniques des services de communication au public en ligne" ainsi accusés,  et ces FAI doivent alors y "empêcher l’accès sans délai" (via un filtrage par DNS). Il n'est prévu absolument aucun contrôle judiciaire, seuls les FAI pouvant éventuellement s'opposer à des demandes qu'ils jugeraient abusives. Tous les autres, en particulier les internautes ou les éditeurs concernés, ne peuvent agir en justice contre une décision qui n'est pas rendue publique.

"C'est une guerre pour la liberté"

Le seul contrôle organisé par le projet de loi est une solution bricolée avec la CNIL, qui devra désigner une "personnalité qualifiée" (ce ne sera pas un juge de l'ordre judiciaire). C'est uniquement si cet individu désigné par l'administration estime qu'un site est ajouté abusivement et que l'Etat ignore sa recommandation qu'elle peut décider de saisir le juge administratif. La seule information au public sera un rapport annuel "qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l’autorité administrative". En bref, un tableau de bord très imprécis du même type que ceux préparés par la CNCIS pour les écoutes téléphoniques et autres surveillances.

Mais pour le patron des députés socialistes Bruno Le Roux, il n'y a rien à redire. "Ce n'est pas une mesure de portée générale, c'est la lutte contre le terrorisme", défend-il dans une interview à Linternaute.com, 20 Minutes et Ouest-France. "Il y a des précautions qui ont été prises, dans un moment où nous aurions eu une faute énorme à avoir la moindre naïveté par rapport aux moyens qui sont à disposition des groupes terroristes".

"Dans la guerre que nous souhaitons leur mener, dans la guerre pour la liberté, parce que c'est une guerre pour la liberté, contre des égorgeurs, je ne comprends pas que l'on puisse quelques fois prendre un des phénomènes et en faire quelque chose qui ici serait liberticide. Cette loi n'est en rien liberticide, et elle nous exonère d'un délit de naïveté".

En somme, Bruno Le Roux ne dit rien d'autre que son collègue Alain Tourret, président-fondateur de l'Institut International des Droits de l'Homme et de la Paix, qui expliquait lors des débats qu'au nom de la guerre contre le terrorisme il fallait "suspendre à un moment donné les libertés démocratiques".

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