Adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 septembre, le projet de loi anti-terroriste doit encore franchir plusieurs étapes législatives avant d'entrer en vigueur. Mais alors que le texte arrive au Sénat, la commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) l'a vivement critiqué dans un avis (.pdf) rendu le 25 septembre.
L'autorité administrative, qui s'était déjà distinguée par le passé en fustigeant la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) et en demandant que le secret des sources soit étendu aux blogueurs, a passé en revue les différentes dispositions contenues dans le texte, et plus particulièrement la mesure instaurant le blocage administratif des sites terroristes.
Rôle du juge judiciaire et subsidiarité
La CNCDH estime ainsi que l'intervention d'un juge est "nécessaire pour ordonner et contrôler le blocage d'un site Internet, dès lors que cette mesure constitue une ingérence grave dans la liberté d'expression et de communication. En effet, toute restriction préalable à l’expression sur internet entraîne une présomption lourde d’incompatibilité avec l’article 10 de la convention européenne des droits de l'homme".
L'instance considère que "le pouvoir de bloquer l’accès à un site internet devrait être dévolu au juge des libertés, qui statuerait dans un délai bref de 48 ou 72 heures, sur saisine du parquet compétent, notamment à la suite d’un signalement auprès de la plateforme PHAROS".
Elle demande par ailleurs le retour du principe de subsidiarité, qui permet d'agir graduellement contre un contenu illicite sur le net. "L'intervention du juge des libertés doit nécessairement être subsidiaire, ce magistrat devant être saisi après que l’éditeur ou l’hébergeur a été mis en demeure par le parquet de retirer le contenu litigieux", écrit la CNCDH.
Faire au mieux avec le blocage, malgré ses limites
Sur la méthode à employer pour le blocage, l'autorité administrative n'a aucun conseil particulier à donner. Elle dit être "bien consciente du fait que le blocage des sites Internet rencontre de nombreuses difficultés techniques (possibilités de contournement, risque de « surblocage » , etc.)".
Elle ne se prononce pas sur la technique à employer, mais recommande "de recourir à une technologie efficace et fiable". Cependant, les précisions apportées par le ministre de l'intérieur sur les moyens qui seront mis en œuvre pour bloquer les sites faisant l'apologie du terrorisme ou incitant à commettre des actes terroristes laissent à penser qu'ils ne seront ni efficaces ni fiables.
Ne pas donner une victoire au terrorisme
De façon plus générale, l'autorité administrative juge normal que le gouvernement prenne des mesures pour s'adapter aux nouvelles formes de terrorisme, mais elle considère que ces dispositions ne doivent pas conduire à porter atteinte à l'État de droit. C'est le sens de la déclaration faite par Christine Lazerges, la présidente de la CNCDH.
"Notre avis rappelle le nécessaire et délicat équilibre entre la recherche de l'efficacité dans l'adaptation du cadre juridique aux nouvelles menaces pesant sur la France et la préservation – toujours impérative et consubstantielle de notre République – des droits fondamentaux et des libertés individuelles".
"Ce qui fait l'honneur de notre République c'est de se concentrer sur ses fondamentaux quand d'autres se nourrissent des peurs. Si le curseur protégeant les droits fondamentaux et les libertés individuelles venait à céder du terrain, ce serait là la plus flagrante et durable victoire du terrorisme sur les valeurs que nous portons".
Loups solitaires et apprentis jihadistes
Porté par Bernard Cazeneuve, le projet de loi comprend essentiellement trois grandes mesures. Outre la lutte contre la propagande terroriste sur Internet, le texte entend créer un nouveau délit d'entreprise individuelle de terrorisme pour mieux combattre les "loups solitaires" comme Mohammed Merah et vise à empêcher les Français à quitter le territoire s'ils projettent de se rendre dans certaines zones de conflit.
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