Le tribunal de grande instance de Lille a condamné une internaute dont l'accès à internet avait été utilisé à plusieurs reprises depuis 2011 pour partager des oeuvres sur le réseau P2P eMule. Mais elle assure qu'elle ne savait pas comment sécuriser son accès à internet, ce que l'Hadopi refuse de faire dans les termes imposés par la loi.

Elle pourra compter parmi les victimes d'une loi inappliquée et inapplicable, qui aboutit à des condamnations dont le bien-fondé reste fort discutable. Le journal 20 Minutes révèle mercredi qu'une internaute de Lomme (Nord) a été condamnée par le tribunal de grande instance de Lille à une peine de 800 euros d'amende avec sursis, pour négligence caractérisée. La condamnation est le point final d'une procédure ouverte en 2011 par l'Hadopi, qui avait envoyé une première lettre avec accusé de réception à l'abonnée pour lui signaler que son accès à internet était utilisé pour pirater des oeuvres protégées par le droit d'auteur, et lui demander d'y mettre fin.

Las, la titulaire de l'accès à internet n'a pas su protéger cet accès, et l'accusation s'est répétée. "C'est vrai que mon mari utilisait le logiciel de partage Emule et qu'il avait téléchargé plusieurs films. Mais à partir du premier avertissement, il a tout arrêté", raconte aujourd'hui la Nordiste. "Il n'avait d'ailleurs plus le droit de toucher l'ordinateur". Mais visiblement, elle n'avait pas conscience qu'eMule était lancé au démarrage de Windows à chaque allumage de son PC, et que les fichiers téléchargés précédemment continuaient d'être partagés illégalement. 

L'Hadopi a souvent raconté que le manque de compréhension des internautes sur le fonctionnement des logiciels de partage de fichiers était la principale cause de récidive, et que même beaucoup croyaient qu'il suffisait de glisser l'icône d'eMule ou de BitTorrent vers la corbeille pour les désinstaller.

Le législateur ignoré, l'internaute condamnée

Hélas, l'internaute est la seule à être condamnée alors que la Haute Autorité a renoncé à répondre à son obligation légale de dire très clairement quels outils installer pour sécuriser l'accès à internet. 

Dès les premiers jours de son installation, l'Hadopi avait choisi d'ignorer le texte de la loi pour envoyer des avertissements malgré l'absence de publication de la liste des "moyens de sécurisation" qu'elle avait pour tâche de labelliser. L'article L331-6 du code de la propriété intellectuelle dit en effet que l'Hadopi doit rendre "publiques les spécifications fonctionnelles pertinentes que ces moyens (de sécurisation destinés à prévenir l'utilisation illicite de l'accès à un service de communication au public en ligne) doivent présenter". Il ajoute que l'Hadopi doit ensuite établir "une liste labellisant les moyens de sécurisation". Or rien de tout cela n'a jamais été fait en cinq ans d'existence. 

C'est pourtant bien en vertu de l'absence de mise en place de moyens de sécurisation efficaces que la Lommoise a été condamnée en justice.

L'Hadopi avait estimé — à juste titre — que la tâche qui lui était imposée par la loi était techniquement et juridiquement impossible à remplir, et elle s'est donc contentée d'accuser de mauvaise foi ceux qui ne savaient pas protéger leur accès à internet. Mais le Parti Socialiste, qui avait mimé bataille contre le projet de loi Hadopi lorsqu'il était dans l'opposition, a choisi de le garder intact une fois au pouvoir.

La nouvelle ministre de la culture, Fleur Pellerin, a même fini par reconnaître que la riposte graduée resterait en place.

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