Les rares distributeurs de crypto-monnaie qui ont été installés en France au cours des dernières années vont-ils devoir être retirés promptement de la circulation ? C’est en tout cas la demande insistante de la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet, qui en l’espace de quelques jours a cherché à convaincre ses collègues de l’impérieuse nécessité d’interdire ces appareils.
L’élue a en effet signé une proposition de loi consistant à interdire sur le territoire français l’installation et l’usage de bornes d’échange et de distributeurs de monnaies virtuelles. Transmise à la présidence du Sénat le 17 novembre, l’initiative a ensuite été suivie par une tentative d’amendement dans le projet de loi de finances pour 2018 visant exactement à atteindre le même objectif.
L’action résolue de la parlementaire contre les Bitcoins — car c’est la devise la plus représentative du secteur — s’est toutefois heurtée à des points de procédure : l’amendement a été déclaré irrecevable tandis que le texte soumis à ses collègues a été envoyé à la commission des finances. Cela ne signe en aucun cas sa fin mais le chemin législatif sera long et semé d’embûches.
Pour motiver cette interdiction au niveau national, Nathalie Goulet met en avant les critiques habituelles que l’on adresse à ces monnaies électroniques, à commencer par le blanchiment d’argent. Sur ce risque en particulier, la sénatrice cite la possibilité pour les criminalités de se servir du Bitcoin et des autres devises pour financer le terrorisme, faire du trafic de drogue ou vendre de la pédopornographie.
« Ces machines permettent d’acheter et vendre des bitcoins ou autres crypto-monnaies avec de l’argent en espèces. Ces transactions peuvent donc être faites de manière totalement anonyme et rendre la somme d’argent d’origine intraçable », argue-t-elle. « Outils de prédilection » des criminels, assure-t-elle, « la régulation de leur utilisation […] est d’une importance éminente ».
Reste que de l’aveu même de l’élue, ces distributeurs sont très rares. Dans son exposé des motifs, elle ne mentionne d’ailleurs que quatre lieux où l’on peut utiliser ces machines : à Montpellier (Group BTC France), Paris (La Maison du Bitcoin), Toulouse (MineOnCloud), et Bois-Colombes (BitAccess). Le site spécialisé bitcoin.fr précise que seuls deux d’entre eux permettent d’avoir des Bitcoins.
Ainsi, même si l’on est assez loin d’un quelconque tsunami, la sénatrice l’affirme dans sa proposition de loi : « l’ampleur » du phénomène peut aisément être comprise et cela, même « s’il n’existe pas de données permettant de faire état du nombre exact de bornes d’échanges et de distributeurs de crypto-monnaies au jour de la rédaction de cette proposition de loi ».
Connaissez votre client
Et surtout, pointent nos confrères, il s’avère que les plateformes tout comme les comptoirs de change localisés sur le territoire français appliquent déjà des «mesures strictes » qui servent à vérifier l’identité de la clientèle (c’est ce qu’on appelle la démarche « know your customer »). C’est ce que fait notamment la Maison du Bitcoin en demandant une pièce d’identité en cours de validité.
La raison est expliquée par le site : « notre activité de change a été visée par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution et nous appliquons ainsi les procédures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme au premier euro ».
Mais puisqu’il est question de vouloir combattre le financement du terrorisme, le trafic de stupéfiants ou le commerce de contenus pédopornographiques, arguments mis en avant par la sénatrice pour justifier la lutte contre les distributeurs de crypto-monnaie et plus généralement de ces monnaies virtuelles au motif qu’ils rendent impossible la traçabilité des flux financiers, ne vaudrait-il pas mieux de cibler l’argent liquide, plutôt que des devises dont l’usage reste globalement confidentiel ?
Les monnaies ayant cours légal sont en effet très largement utilisées à des fins criminelles et dans des proportions qui n’ont pas grand chose à voir avec les crypto-monnaies. Sauf que pour cela, il faudra consentir à perdre une part de liberté et de vie privée puisque ce qui se joue ici c’est la possibilité ou non de faire des dépenses sans qu’elles puissent être tracées, archivées et surveillées.
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