Depuis une quinzaine d'années, la lutte contre le téléchargement illicite mobilise d'importants moyens techniques et judiciaires pour empêcher les internautes d'échanger des œuvres sans l'accord des ayants droit. Dans le cadre de cet affrontement, l'une des tactiques employées par l'industrie du divertissement consiste à réclamer la neutralisation des sites accusés de favoriser le piratage.
Pour parvenir à cet objectif, deux options existent : la globale et la locale.
La globale (qui est aussi la plus radicale) consiste à fermer la plateforme sur laquelle sont échangées des œuvres piratées. De cette façon, le site devient totalement et définitivement indisponible pour l'ensemble des internautes. L'exemple le plus connu est bien entendu MegaUpload, qui a disparu début 2012 suite à une opération de police conjointe entre les États-Unis et la Nouvelle-Zélande.
La locale vise à empêcher l'accès des internautes sur un territoire donné. Le site continue à être accessible depuis l'étranger, sauf dans le pays dans lequel la décision de justice ordonnant le blocage a été prononcée. Par exemple, les sites DPstream et Allostreaming sont bloqués en France, puisque la justice française a demandé aux principaux opérateurs d'interdire à leurs clients d'y accéder.
Ces deux options n'offrent pas la même efficacité. La première a un impact sur l'ensemble des internautes tandis que la seconde se limite à la population d'un pays. Par ailleurs, cette dernière comporte des failles puisqu'il existe de multiples moyens pour contourner le blocage d'un site. Cela étant, tous les internautes ne savent pas forcément les mettre en œuvre.
Les internautes jugent le blocage "inefficient"
Or, comment les internautes perçoivent-ils ces opérations contre les sites illicites ? Pour le savoir, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a confié à son département Recherche, Études et Veille (DREV) le soin de mener une étude sur les perceptions des décisions de justice par les internautes qui ont l'habitude de pirater.
Il ressort de cette enquête que les internautes jugent les mesures de blocage "inefficientes", du fait des diverses techniques pour contourner la censure des fournisseurs d'accès à Internet (site miroir, utilisation d'une nouvelle adresse web, emploi d'un VPN…). En outre, en cas d'impossibilité d'accéder au site bloqué, les internautes s'adaptent et iront vers "une autre source illicite".
Dans le cas d'une fermeture d'un site web, l'impact sur les internautes est plus fort. L'étude prend l'exemple de MegaUpload, dont la disparition constitue "un point d’ancrage temporel, créant un « avant et un après »" pour les internautes qui ont été interrogés. Mais si le cas MegaUpload "a marqué un tournant" dans la lutte contre le piratage, il n'a pas eu d'effet significatif sur l'attitude des pirates.
Autrement dit, rares sont ceux qui ont migré vers l'offre légale à la disparition de MegaUpload. Certes, une "période de flou apparaît" et les internautes, qui avaient leurs petites habitudes se "sentent déstabilisés", mais ce temps est mis à profit pour voir ce qu'il va se passer ensuite et, la nature ayant horreur du vide, repérer les nouveaux sites qui veulent prendre la place de MegaUpload.
De nouvelles mesures contre le piratage
La publication de cette étude survient au moment où la Haute Autorité propose d'autres actions contre les sites illicites. Sans remettre en cause le principe du blocage, l'institution suggère d'employer d'autres tactiques pour neutraliser le piratage en ligne : établissement d'une liste noire des sites illicites, assèchement des revenus générés par le piratage, injonction de retrait prolongé…
Les conclusions de l'étude conduite par la Hadopi offrent en tout cas l'occasion de défendre la mise en œuvre de nouvelles mesures pour contrer le piratage, incluant le blocage des sites plus durable en permettant de l'étendre de façon dynamique aux sites miroirs, dans la mesure où les internautes interrogés ne considèrent pas que les mesures actuelles comme étant efficaces.
La portée de l'étude reste néanmoins à relativiser, dans la mesure où l'échantillon n'est composé que de quelques dizaines d'internaute ("six « focus groups » (5 à 8 participants par groupe)", indique la Hadopi). La Haute Autorité prévient que ce travail "n'a pas vocation à être représentatif", mais qu'il permet de répondre aux questions "pourquoi" et "comment", en sollicitant les opinions des sondés.
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