La Fondation Mozilla a annoncé mercredi la renégociation de son contrat historique avec Google, dont nous avions expliqué la semaine dernière en quoi il s'était avéré être un véritable pacte avec le diable qui a nui à Mozilla et, plus grave, à la défense des valeurs du logiciel libre dans leur ensemble. Pour financer le développement de Firefox et de ses autres projets, Mozilla avait en effet accepté en 2004 de faire de Google le moteur de recherche par défaut dans Firefox, aidant à créer la pieuvre hégémonique que cherchent aujourd'hui à combattre des défenseurs du logiciel libre bien moins équipés et influents que Mozilla.
Après deux renouvellements du contrat publicitaire dont il était devenu extrêmement dépendant financièrement (il a représenté jusqu'à 85 % de son chiffre d'affaires), Mozilla devait de nouveau décider en cette fin d'année de la suite à donner à l'accord avec Google. L'occasion d'impulser peut-être une nouvelle stratégie.
Or la nouvelle stratégie reste principalement guidée que par les intérêts financiers propres de Mozilla, loin encore une fois de défendre les intérêts du logiciel libre comme peut le faire à son échelle l'association Framasoft avec Dégooglisons Internet.
La fondation a en effet choisi de remplacer Google par Yahoo aux Etats-Unis pendant une période de cinq ans (ce qui est certainement une confirmation de ce que Yahoo travaille à son propre moteur de recherche pour lui-même se défaire de sa dépendance à Microsoft), de remplacer Google par Yandex en Russie, et de conserver Baidu en Chine.
Mozilla conserve donc Google en Europe, alors que c'est en Europe que Google a de très loin la part de marché la plus faramineuse (92 % contre 77 % aux USA, selon Statcounter). C'est dire si Mozilla n'a absolument pas le souci de faire baisser l'ultra-domination de Google, mais uniquement celui de commencer à diversifier ses sources de revenus en multipliant le nombre de partenaires commerciaux.
LA CENSURE PROPOSÉE PAR DEFAUT EN CHINE
Mais il y a pire encore. Qu'est-ce qui, dans la philosophie dont prétend se couvrir Mozilla, justifie le fait d'imposer Baidu comme moteur de recherche par défaut en Chine, alors que l'on sait Baidu censuré et surveillé par le régime chinois ? La question peut aussi se poser concernant Yandex dont l'indépendance à l'égard du régime de Vladimir Poutine reste largement ouverte.
Dans son billet de blog, Mozilla se couvre d'honneur en rappelant que lorsqu'il a "institué une option de recherche par défaut, nous avons rompu avec les standards de l'industrie en refusant les conditions commerciales qui demandaient l'exclusivité". Il insiste beaucoup sur le fait que Firefox propose toute une liste de moteurs de recherche alternatifs que les utilisateurs peuvent choisir comme moteur par défaut, en modifiant les paramètres.
Mais c'était la même chose pour Internet Explorer. Rien n'interdisait aux internautes d'installer un autre navigateur sous Windows. Or Mozilla sait mieux que quiconque l'aide immense que lui a apportée le Ballot Screen imposé par les autorités, qui obligeait Microsoft à proposer un autre navigateur, selon un ordre aléatoire.
C'est cette solution que les valeurs du logiciel libre auraient dû convaincre Mozilla d'adopter. Il aurait dû au minimum proposer aux internautes de choisir eux-mêmes, lors de l'installation de Firefox le moteur de recherche à utiliser, en donnant un caractère aléatoire aux options. Si les internautes européens choisissent de conserver Google ou si les internautes chinois choisissent de conserver Baidu, c'est alors leur choix libre et éclairé, et non la force de l'habitude héritée d'un paramétrage par défaut. Mais cette solution n'était sans doute pas conforme aux impératifs commerciaux de Mozilla, qui doit payer ses équipes de développeurs et de communicants à travers le monde.
"Notre mission est de promouvoir l'ouverture, l'innovation et la bonne santé du Web", affirme Mozilla sur son site internet, en présentant les 10 principes qui forment son manifeste. Le 9ème stipule que "l'investissement commercial dans le développement d'Internet apporte de nombreux bénéfices", et qu'un "équilibre entre les bénéfices commerciaux et l'intérêt public est crucial". Cet équilibre a-t-il été trouvé ? Pas sûr.
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