Qui a dit que le code électoral s’arrêtait aux frontières du web ? Certainement pas le Conseil constitutionnel. Au contraire : les dispositions qu’il contient, notamment tout ce qui a trait à la propagande électorale, s’appliquent aussi sur Internet. C’est ce que viennent de rappeler les membres de l’institution chargée de veiller à la régularité des élections en France.
Dans sa décision du 18 décembre, le Conseil a prononcé l’annulation des opérations électorales qui ont eu lieu les 11 et 18 juin 2017 dans la 4ème circonscription du Loiret. La raison ? Une candidate a accusé son opposant d’avoir publié de la propagande électorale sur Facebook, alors qu’il n’en avait pas le droit : ces publications ont eu lieu pendant la période de trêve juste avant un scrutin.
La loi est pourtant claire : « à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ». « Il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ». C’est l’article L49 du code électoral.
En clair, les candidats doivent s’astreindre au silence et à la discrétion la veille du scrutin, même sur les réseaux sociaux. Et cela vaut aussi pour les militants et pour le reste des citoyens.
Deux publications problématiques
En l’espèce, la décision du Conseil raconte que le rival de la plaignante a « publié le dimanche 18 juin à 15 heures 52 sur la page Facebook dédiée à ses fonctions de maire de Montargis une photo le représentant prononçant un discours à l’occasion de la cérémonie commémorant l’Appel du 18 juin, et faisant état de l’affluence à cette commémoration officielle ».
Par ailleurs, elle a accusé « l’adjoint au maire de Montargis d’avoir publié le 18 juin 2017 sur sa page Facebook personnelle des éléments de propagande électorale dont la diffusion était prohibée à cette date […]. Par un message posté le dimanche 18 juin 2017 à 11 heures 42, l’intéressé a fait état de son vote en faveur [du maire] et invité les électeurs à ‘choisir l’expérience face à l’aventure’ ».
Attention toutefois à ne pas tirer des conclusions trop hâtives : ce n’est pas parce qu’une publication litigieuse survient sur Facebook — ou dans n’importe quel autre réseau social d’ailleurs — pendant une séquence électorale, en violation de la loi, qu’une annulation aura automatiquement lieu devant le Conseil constitutionnel si une plainte est déposée. En effet, un critère supplémentaire est pris en compte.
Dans leur décision, les membres de l’institution précisent qu’il convient de vérifier l’écart de voix entre les deux candidats à l’issue du second tour de scrutin — outre le fait qu’il faut vérifier si les messages publiés le jour du scrutin revêtaient ou non un caractère privé « au sens des règles de confidentialité de ce réseau social ». L’ampleur de l’écart déterminera les suites à donner.
« La diffusion de ces messages a été de nature à altérer la sincérité du scrutin »
En l’espèce, le Conseil note que « la diffusion de ces messages […] a été de nature à altérer la sincérité du scrutin », « eu égard à la faiblesse de l’écart de voix à l’issue du second tour ». Il est précisé dans la décision que l’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin est établi à 7 voix. En conséquence, « il y a lieu d’annuler l’élection attaquée », écrit-il.
En clair, il faut tenir compte du différentiel entre les deux adversaires politiques : il n’y a pas de règles véritablement fixes mais l’idée générale est de dire que si l’élection se joue dans un mouchoir de poche, à quelques voix près, il y a lieu d’annuler le scrutin. Si par contre un des deux candidats a gagné largement le vote, alors il est supposé que cette propagande électorale en période interdite n’a pas été déterminante.
Un enseignement à tirer
Les conclusions du Conseil constitutionnel nourriront certainement la réflexion des Françaises et des Français qui entendent occuper des fonctions politiques à l’avenir, surtout s’ils comptent faire campagne « à la Obama », en misant sur les réseaux sociaux. Et s’ils veulent ne prendre aucun risque, peut-être s’inspireront-ils de François Hollande, qui avait suspendu sa page Facebook en 2012.
Il semble que cette annulation d’une élection législative à cause de deux publications sur Facebook survenues au mauvais moment est une première. Par contre, il y a déjà eu des scrutins annulés à cause de ça : en 2014, le tribunal de Strasbourg s’est fait remarquer en annulant l’élection municipale d’un village du Haut-Rhin. Le vainqueur avait violé le code électoral en publiant tardivement des tracts sur Facebook.
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