Ce n'est pas demain la veille que Google se réconciliera avec l'industrie du cinéma américain. Alors que les relations entre la firme de Mountain View et la MPAA, qui est l'organisme en charge de défendre des grands studios de cinéma, sont déjà au plus bas, de nouveaux documents confidentiels obtenus suite au piratage de Sony Pictures laissent à penser que la brouille va s'aggraver.
En effet, des courriers électroniques échangés entre les membres de la Motion Picture Association of America évoquent l'existence du "projet Goliath". Qui vise-t-il ? Les mails qui ont fuité ne l'indiquent jamais directement. Mais comme le relève The Verge, qui s'est penché sur ces échanges, des indices en nombre suggèrent que Goliath n'est autre que… Google.
Dans l'un des mails, dont l'objet est "Goliath – résumé des données", figure notamment une pièce jointe dont l'intitulé concerne le piratage et les moteurs de recherche. Or, qui d'autre que Google pourrait incarner ce Goliath – un géant de l'Ancien Testament – que mentionne la MPAA ? Au regard de la part de marché dont dispose Google dans la recherche en ligne, la réponse est évidente.
Le poids politique de Google
Et ce Goliath est une vraie menace, aux yeux des studios. D'ailleurs, il est même considéré comme leur plus formidable adversaire dans la lutte contre contre le piratage, notamment sur le plan politique. En filigrane, le groupe est accusé d'être à l'origine de certains problèmes. Il estime qu'il est dangereux, et craignent en particulier "ce que Goliath pourrait faire s'il passait à l'offensive".
De l'autre côté de l'Atlantique, Google a un poids politique qu'il n'hésite pas à utiliser pour défendre ses intérêts, quitte à s'opposer à ceux de l'industrie cinématographique. On l'a par exemple vu lors des débats parlementaires sur la proposition de loi SOPA (Stop Online Piracy Act), lorsque l'entreprise a publié un lien contre ce texte sur sa page d'accueil (qui est l'une des plus vues sur le web, rappelons-le).
L'influence de Google est considérable sur le plan politique. Il faut dire que ses dépenses pour influencer les politiques publiques ont beaucoup progressé ces dernières années. En 2012, selon les calculs du site OpenSecrets, le groupe a mobilisé plus de 9,79 millions de dollars en lobbying. Dans le secteur d'Internet, seul l'opérateur AT&T a dépensé davantage, avec 10,54 millions de dollars.
Les efforts pour contrer Goliath
Face à Goliath, et suite à l'échec de la loi SOPA, les studios ont voulu mettre en place une stratégie visant à casser son image. Cet effort pluriannuel doit contrer la communication de Google et amplifier les actualités négatives le concernant (ce qui expliquerait en partie pourquoi la MPAA et le moteur de recherche sont brouillés, le premier n'ayant pas félicité le second pour ses efforts contre le piratage).
Sur cette affaire, la MPAA a estimé que cela pourrait être en définitive bénéfique. "Nous pensons que Google exagère – et d'une façon spectaculaire. Sa réaction semble tactique (ou enfantine). "Nous pensons que tout ça va finir par se calmer […] et nous pourrions etre en position de demander des discussions plus sérieuses avec Google".
Les mails révèlent par ailleurs que la MPAA a décidé de budgétiser une aide annuelle de 500 000 dollars pour assister juridiquement les procureurs généraux des États américains qui souhaiteraient agir contre Google. Il y a eu d'ailleurs plusieurs rencontres entre l'un des hauts responsables de la MPAA et l'association nationale des procureurs généraux.
Maintenant que ces mails sont sur la place publique, Google n'ignore certainement plus les tactiques de la MPAA contre lui. Toute la question qui se pose est de savoir si cette affaire sera de nature à remettre en cause la stratégie de la firme de Mountain View dans la lutte contre le téléchargement illicite. Reste toutefois un mystère : si Google est Goliath dans l'esprit de la MPAA, qui incarne David ?
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