Le nom de domaine de premier niveau (TLD) des pays accusés de soutenir le terrorisme peut-il être saisi à titre de sanction pécuniaire pour indemniser les victimes ? C'est la question délicate que la justice américaine est appelée à trancher, à la demande de victimes d'un attentat perpétré en 1997 à Jérusalem.

Il y a un an, le 27 novembre 2013, la justice américaine avait reconnu l'Iran responsable d'un attentat-suicide commis en 1997 au marché Mahané Yehouda de Jérusalem, et condamné le pays à verser 9 millions de dollars d'indemnités à cinq familles de victimes. L'explosion du kamizaze qui avait fait 14 victimes civiles avait été revendiquée par le Hamas, cependant le centre de droit israélien Shurat HaDin qui a monté les actions judiciaires en responsabilité avait pu démontrer le soutien actif de l'Iran dans la préparation de l'attentat, et obtenir sa condamnation.

Depuis, Shurat HaDin tente d'aider les victimes à obtenir effectivement la réparation octroyée par la justice, faute de versement de l'indemnité par l'Iran. C'est dans ce cadre que les familles des victimes ont déposé plainte aux Etats-Unis pour obtenir que le domaine de premier niveau (TLD) de l'Iran, le .ir, soit saisi et octroyé aux victimes à titre compensatoire. Ils pourraient alors en faire librement usage pour supprimer les domaines des sites officiels iraniens, rediriger les URL concernées vers d'autres sites, ou pour vendre des domaines .ir à qui souhaite en bénéficier.

La justice peut d'autant plus le faire que l'ICANN est toujours à ce jour une société de droit américaine, et qu'elle peut donc être sollicitée à titre de tiers détenteur.

Y A-T-IL UNE DIFFERENCE DE NATURE ENTRE TLD ET NOMS DE DOMAINE CLASSIQUES ?

En première instance, la cour du district de Columbia a refusé d'accéder à la demande des victimes de l'attentat de Jérusalem, dans un jugement du 11 novembre 2014 (.pdf). Le juge a pris note des explications et des arguments de l'ICANN, pour conclure qu'un TLD n'était a priori pas quelque chose de tangible qui pouvait faire l'objet d'une appropriation, mais qu'il s'agissait plutôt d'une partie indissociable d'un tout (l'ensemble du système des noms de domaine), et qui existe en vertu d'un contrat de service à exécution continue. Or la loi de l'Etat de Washington qui est utilisée dans l'affaire ne permet pas de saisir un contrat en garantie d'exécution d'une indemnisation.

Cependant l'affaire n'est pas terminée. Le centre de droit israélien a effet décidé de faire appel de la décision. Il voudra faire appliquer aux domaines de premier niveau comme .ir le même raisonnement que celui qui est régulièrement invoqué par les tribunaux concernant les noms de domaine de second niveau (comme numerama.com), qui font de plus en plus souvent l'objet de saisies dans le cadre de procédures judiciaires.

Si jamais la cour d'appel venait à donner raison aux plaignants et à retirer le .ir à l'Iran, c'est toute la critique désormais virulente sur la non-indépendance de l'ICANN à l'égard des Etats-Unis qui serait fortement ravivée. Les USA ont promis de donner son indépendance à l'ICANN l'an prochain, mais sous une forme encore très discutée.

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