Emmanuel Macron a annoncé la couleur le 3 janvier lors de ses tous premiers vœux à la presse : courant 2018, le gouvernement fera adopter un projet de loi pour mieux lutter contre l’apparition et la propagation des fausses informations — les fake news — sur Internet. Si les contours du texte sont encore flous, le chef de l’État a donné les grands axes de cette future loi.
En particulier, il s’agit d’ériger de nouvelles barrières contre les fake news en « période électorale ». « Nous allons faire évoluer notre dispositif juridique pour protéger la vie démocratique », a déclaré le chef de l’État, avec des « obligations de transparence accrue » aux grandes plateformes, au niveau de « tous les contenus sponsorisés » afin de savoir qui paie et combien. Un plafond sera aussi fixé.
De toute évidence, il s’agit de limiter les efforts d’influence et de propagande que des États peuvent déployer, comme sur Twitter et Facebook. En la matière, l’élection aux USA a été un cas d’école. La Russie a été accusée de se servir des principaux réseaux sociaux outre-Atlantique pour peser sur le bon déroulement du scrutin de 2016. Elle a aussi été pointée du doigt dans la victoire du Brexit.
Suppression, blocage…
Quelques incertitudes devront toutefois être levées, notamment sur les instances qui seront chargées de prononcer et d’appliquer les sanctions. En effet, les journalistes ayant assisté au discours du président ont tantôt évoqué la présence d’une autorité administrative dans la boucle, tantôt parlé de l’action de l’ordre judiciaire, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Ainsi, il est question d’un côté de « pouvoirs accrus du régulateur et de nouvelles sanctions contre les sites qui diffusent ces fake news » et de l’autre de la justice capable « d’exiger le déréférencement d’un contenu ou le blocage d’un site ». Il faudra lire les articles de ce futur projet de loi pour voir quelle solution sera finalement retenue par l’exécutif.
Cela dit, si le gouvernement entend partir en chasse contre les fausses informations, la méthode interroge : est-il nécessaire de légiférer en la matière lorsque la loi propose déjà des outils juridiques pour combattre la désinformation ? À l’issue du discours d’Emmanuel Macron, plusieurs journalistes et spécialistes du droit n’ont pas manqué de rappeler l’existence de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881.
Dans celui-ci, il est dit que « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, [est] punie d’une amende de 45 000 euros ».
Sauf à prendre en compte des raisons d’affichage politique, ce texte risque d’être une perte de temps pour le parlement. Il est inutile d’accumuler des textes qui sanctionnent la même chose, alors que la législation propose depuis plus de 130 ans un texte ad hoc. Il faudrait déjà l’appliquer avant de réfléchir à en modifier les contours ou à en renforcer les sanctions.
Aller plus loin
La France n’est pas le seul pays à s’interroger sur l’effet des fake news. On pourra noter qu’au niveau européen, la Commission a lancé une consultation publique fin novembre et sujet et que la commissaire en charge du numérique compte être assistée par un groupe d’experts pour la conseiller. Celle-ci avait d’ailleurs indiqué que l’opportunité de créer une nouvelle loi contre les fake news était encore incertaine.
Et si la réponse aux fake news se trouvait ailleurs ? S’il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut rien faire face à la désinformation en ligne, le constat est que les actions dont il est question ne traitent que des fausses actualités qu’en bout de chaîne. Ne faudrait-il pas agir beaucoup plus en amont, au niveau du système éducatif pour développer encore plus une éducation aux médias et un esprit critique ?
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