A quelques milliers de kilomètres de distance mais gouvernés par le même droit européen, la justice française et la justice grecque s'opposent sur leur vision du blocage des sites de liens BitTorrent. Alors qu'en France le tribunal de grande instance de Paris a ordonné le blocage de The Pirate Bay le mois dernier, le tribunal d'Athènes a tranché dans un sens totalement opposé.
Comme le rapporte Torrentfreak, le tribunal de première instance grec a estimé au même moment (le jugement date du 22 décembre 2014) qu'il n'était pas possible d'ordonner le blocage de sites de liens BitTorrent, que demandait depuis deux ans la Société grecque pour la protection de la propriété intellectuelle (AEPI). L'organisation avait sollicité une ordonnance de blocage à l'encontre de The Pirate Bay, KickAssTorrents, isoHunt, 1337x, H33T et plusieurs sites grecs.
CONTRAIRE A LA NEUTRALITÉ DU NET
Le tribunal d'Athènes a jugé qu'un blocage des sites serait incompatible avec le principe de proportionnalité imposé par le droit européen, en raison des violations de la liberté d'information, du droit de participer à la société de l'information, ou encore de la liberté de communication. Il retient que les sites en question servent non seulement à échanger des contenus illégaux, ce qui doit être combattu, mais aussi à communiquer des informations ou des oeuvres en toute légalité, ce qui doit être protégé.
Le tribunal grec s'est par ailleurs fondé sur l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, qui garantit "la liberté d'entreprise" en Europe, pour estimer qu'une mesure de blocage imposée aux FAI serait contraire à ce droit (un argument qui avait été rejeté en France par le TGI de Paris). Mieux, il estime qu'un blocage serait contraire au "principe fondamental de la neutralité d'Iinternet, qui prévoit que toutes les informations doivent être manipulées sans discrimination, indépendamment de leur nature".
C'est déjà en raison de la disproportion que la justice des Pays-Bas avait, l'an dernier, ordonné de débloquer l'accès à The Pirate Bay.
Deux mois plus tard, en mars 2014, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) avait jugé que les FAI pouvaient se voir ordonner des mesures de blocage, mais à condition que l'ordonnance respecte bien la recherche d'un équilibre entre la protection des droits d'auteur d'une part, et les libertés d'entreprise et d'information de l'autre. Il s'agissait notamment de s'assurer de la possibilité pour les internautes de s'opposer aux mesures de blocage ordonnées et mises en oeuvre par leurs FAI.
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