La députée Isabelle Attard (Nouvelle Donne) prend très mal l'annonce faite par la France à l'ONU, de la volonté du gouvernement français de mettre en place très rapidement une censure administrative des sites internet dont le contenu serait qualifié de "raciste" ou "antisémite", non pas par un juge, mais par l'Etat lui-même. "Le blocage d'un site internet est une mesure extrêmement forte contre la liberté d'expression. Cette liberté fondamentale est garantie par la constitution de la République française. Elle a des limites, qui sont parfois compliquées à établir. C'est pourquoi elles doivent être appréciées par un juge", a-t-elle prévenu dans une question écrite déposée ce vendredi à l'Assemblée Nationale, dont Numerama a pu prendre connaissance.
"Le blocage administratif des sites internet est en contradiction totale avec les principes démocratiques de séparation des pouvoirs et de procédure judiciaire contradictoire", prévient-elle.
"Alors que des français viennent d'être lâchement assassinés parce qu'ils faisaient usage de leur liberté d'expression, il paraît inconcevable de limiter cette liberté par une procédure sans intervention du pouvoir judiciaire."
Réservé au départ aux seuls sites contenant des images pédopornographiques, en raison de son caractère exceptionnel dérogatoire aux droits et libertés, le blocage de sites sur simple ordre administratif a été étendu en novembre 2014 aux sites faisant l'apologie du terrorisme, dont la liste est établie par le ministère de l'intérieur. Le décret d'application est actuellement à l'examen à Bruxelles, et devrait être publié au Journal Officiel dans les prochains jours.
QUELLE CONSTITUTIONNALITÉ ?
Si l'annonce faite par Harlem Désir se confirme, en dépit du silence du Premier ministre lors de sa conférence de presse de mercredi matin, les sites réputés racistes et antisémites deviendraient la troisième catégorie de sites pouvant faire l'objet de blocages sans que leur illégalité soit vérifiée par un magistrat indépendant.
En 2011, le Conseil constitutionnel avait validé le blocage extra-judiciaire introduit par la loi LOPPSI contre les sites pédopornographiques, au motif que "ces dispositions assurent une conciliation qui n'est pas disproportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et la liberté de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789". Il n'avait pas été amené à se prononcer sur le blocage des sites faisant l'apologie du terrorisme, mais pourrait reprendre la même logique pour valider de nouvelles extensions de la censure. Cependant, cette extension ne peut être illimitée. Dans le commentaire de sa décision, le Conseil avait prévenu que le blocage administratif était acceptable pour la pédopornographique car "il s'agit de lutter contre l'exploitation sexuelle des mineurs, ce qui peut justifier des mesures que la préservation de la propriété intellectuelle ne peut fonder".
Toute la question est donc de savoir où et comment tracer la ligne rouge entre ce qui peut faire l'objet de censures sans vérification judiciaire préalable, et ce qui doit nécessairement passer devant un juge.
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