Suite aux attentats commis à Paris en janvier 2015, le Gouvernement a décidé de précipiter l'examen d'une loi d'encadrement des services de renseignement, qui sera l'occasion d'un renforcement des dispositifs de surveillance sur Internet. Les agents veulent pouvoir intercepter plus vite, plus longtemps, avec plus d'efficacité. Mais le curseur risque alors de glisser encore plus vers la "sécurité", au détriment des "libertés".
Dans une tribune publiée ce lundi, la présidente de la CNIL Isabelle Falque-Pierrotin se dit prête à accepter un nouveau tour de vis sécuritaire, mais pas sans conditions. Pour elle, il ne faut pas parler d'un curseur entre liberté et sécurité, mais d'un triangle qui intègre également les garanties formelles apportées au public, que ses droits ne seront pas violés sans nécessité.
"Parce que les libertés publiques sont consubstantielles à l’Etat de droit dont elles constituent le cœur, aucun impératif de sécurité ne peut conduire à leur remise en cause profonde", écrit-elle. "Pour être acceptable d’un point de vue juridique, éthique et social, le déplacement éventuel du curseur vers plus de sécurité doit nécessairement s’accompagner d’un renforcement des garanties qui encadrent l’action des services de sécurité.En d’autres termes, l’équilibre est à trouver entre trois éléments et non deux".
C'est déjà une promesse faite par Manuel Valls, qui a jugé mercredi dernier que le dispositif légal actuel de mise sur écoute n'était "satisfaisant ni sur le plan des opérations, ni sur le plan de la protection des libertés", et affirmé que le nouveau texte que présentera le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve "sera un texte protecteur des libertés".
La CNIL veut bien sûr avoir sa partition à jouer, alors que le Premier ministre a d'ores et déjà indiqué que "chaque opération sera soumise à autorisation sous contrôle d'une juridiction spécialisée". Elle rappelle que pour le blocage des sites internet sans contrôle d'un juge, le législateur a tout de même introduit le contrôle de proportionnalité des mesures exercé par une personnalité issue de la CNIL, qui affirme ses compétences hors de la seule défense de la vie privée.
Selon Isabelle Falque-Pierrotin, trois éléments sont nécessaires pour respecter l'équilibre du triangle qu'elle définit :
- Des dispositifs cilbés et non massifs en matière de surveillance (un point rappelé avec force dans la Déclaration du G29 du 8 décembre 2014) ;
- Un niveau de garantie élevé pour prévenir les risques d'abus, si possible en faisant appel à la CNIL comme gendarme ;
- Renforcer le contrôle en aval des dispositifs de surveillance, là encore en faisant appel si possible aux compétences de la CNIL plutôt qu'à la très contestée CNCIS.
"Ne nous trompons pas. Le rêve d’une prévention infaillible des actes de terrorisme par le biais de méga fichiers est une chimère. Les équilibres dont nous parlons sont fragiles et il n’y a pas de solution « toute faite » qui sorte du droit ou des technologies. C’est par une approche lucide et proportionnée des moyens de surveillance, conforme aux principes fondamentaux auxquels les Français sont fondamentalement attachés, que nous protégerons ensemble l’Etat de droit", conclut-elle.
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