Pour l’opposition municipale, l’application Reporty de la mairie de Nice n’est ni plus ni moins que de la « délation généralisée ». Sud-Ouest, plus prudent, parle d’une application « polémique ».
Introduite au début de l’année, Reporty est une application qui doit, selon la Ville de Nice, aider la police municipale en permettant aux témoins d’actes d’incivilité de les filmer et de prévenir les autorités en direct. C’est en somme une méthode simple pour appeler en VoIP les services de police, mais en plus sophistiquée avec, notamment, de la géolocalisation.
La ville, qui est connue pour être la plus surveillée de France avec son réseau de mille caméras, estime qu’il faut aller encore plus loin en demandant cette fois la contribution des citoyens. Afin de mettre en œuvre cette nouvelle étape de surveillance, franchie au nom de la sécurité et du civisme, la mairie a fait appel à une startup israélienne dirigée par l’ancien Premier ministre Ehud Barak. La société a fourni une solution clef en main à Christian Estrosi.
« Peu probable que ce soit un logiciel libre »
Encore en phase de test, l’application a été proposée à 2 000 Niçois. Toutefois, alors qu’un bilan politique doit encore être réalisé d’ici ce printemps, l’application est déjà épinglée par Exodus Privacy et la Quadrature du Net. La première association, spécialisée dans la confidentialité et l’évaluation d’applications Android, estime que le code de Reporty contient de multiples mouchards. La seconde met en doute la légalité du système mis en place.
Benjamin Sonntag, cofondateur de la Quadrature du Net, va jusqu’à relever que certains des trackers utilisés dans l’application pourraient contrevenir aux principes du futur règlement européen sur la protection des données.
Il a ainsi questionné la légalité de l’application auprès de France Info s’interrogeant sur « le respect des directives européennes concernant la vie privée ». M. Sonntag estime également important que la solution soit libre. Or, « si ça a été développé par une société privée, il est peu probable que ce soit un logiciel libre » déclare-t-il. Pour l’activiste, le fait qu’une commune propose un service de ce type sans accès aux entrailles du logiciel ajoute un problème de confiance. Les citoyens ne peuvent pas se saisir du code de l’application Reporty, proposer des améliorations et surtout vérifier son fonctionnement.
Des mouchards d’activité
Du côté d’Exodus, l’analyse du fichier aboutit à la conclusion que l’appli contient différents mouchards dans l’application : AppsFlyer, un outil d’analyse de l’audience de l’app, ainsi que trois outils Google, Google Ads, Google CrashLytics et Google Firebase. L’association, qui se refuse de juger les trackers au cas par cas, pose toutefois une question : les pouvoirs publics ont-ils conscience des trackers présents dans cette application ?
En outre, Exodus note que les autorisations exigées par l’application sur un smartphone Android doivent également interroger l’utilisateur, au-delà de la caméra et de la localisation. Reporty exige également un accès aux contacts et aux données réseaux.
D’autres trackers pourraient également être présents, comme celui de Mixpanel, selon des relevés supplémentaires. Il s’agit d’un autre outil d’analyse de l’activité des utilisateurs. Ainsi, il y aurait au moins trois outils d’analyse différents dans l’application, autant de mouchards dont l’utilité dans un service public est à définir.
Comment la mairie peut-elle garantir aux utilisateurs que la commune et son partenaire technologique traitent les données récoltées selon la loi tout en se reposant sur autant de partenaires privés ?
Auprès de Nice Matin, la Ville a répondu en parti à ces questions. Il est d’abord affirmé que le « terme de mouchards utilisé par Numerama est faux ». La mairie détaille qu’il s’agit de « modules d’analyse de fonctionnement » fournis gratuitement « notamment par Google » qui n’auraient pas vocation à être dédiés à « l’espionnage de la vie prive privée ou au suivi géographique ».
Mise à jour du 17 janvier : ajout de la réponse de la Ville de Nice.
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