Lorsque vous achetez un journal ou un magazine dans un kiosque, vous le payez sans doute pour des raisons pratiques avec de l'argent liquide, ce qui a aussi pour effet indirect qu'il n'est pas possible de savoir ce que vous lisez. Cette confidentialité de fait est toutefois en passe de disparaître avec la numérisation de la presse et de l'édition littéraire, qui s'accompagne de ventes nominatives.
Pour peu qu'une enquête soit diligentée, la police peut demander à Amazon de fournir la liste des livres que vous avez commandés (voir ceux que vous avez lu s'il s'agit d'éditions Kindle où tout est sauvegardé, y compris ce que vous surlignez), peut demander à Viapresse la liste des abonnements que vous avez souscrits, à Google la liste des applications de journaux que vous avez installées sur votre téléphone, etc., Il n'y a guère que l'imagination et l'éthique des enquêteurs et des juges d'instruction qui puisse borner les atteintes à la liberté d'opinion, faute de lois qui attribuent à ces données un caractère plus particulièrement confidentiel et inviolable.
Or les tentations de porter atteinte à cette liberté fondamentale existent. Le Guardian rapporte ainsi qu'en Grande-Bretagne, plusieurs commissariats ont réalisé des enquêtes de quartier auprès des vendeurs de journaux pour en savoir plus sur les lecteurs du numéro de Charlie Hebdo publié après les attentats de Paris. Alors que la police assure qu'il s'agissait uniquement d'appeler les kiosquiers à la vigilance par crainte d'attentats contre les vendeurs, ces derniers témoignent de questions qui portaient plutôt sur les fournisseurs et les lecteurs. Certains policiers auraient même demandé les noms des acheteurs, a priori pour étayer leurs connaissances des opinions des habitants du coin, et ainsi prévenir les éventuelles tensions qui peuvent naître entre un lecteur de Charlie Hebdo et un islamiste.
L'enfer est pavé de bonnes intentions.
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