Le 16 février dernier, Matignon annonçait dans un communiqué de presse (.pdf) que le Premier ministre Manuel Valls avait rencontré le PDG de Cisco, John Chambers, et scellé ensemble "les grandes lignes d'un partenariat entre l'entreprise américaine et l'Etat français". Outre un engagement de Cisco à investir 100 millions de dollars dans les start-up françaises, l'accord prévoit "des coopérations dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelle aux métiers des réseaux numériques, avec un objectif de formation de 200 000 personnes en trois ans", le financement de chairs d'excellence, ou encore "des collaborations académiques et industrielles dans les domaines de la cybersécurité, des réseaux intelligents et de la ville intelligente".
Cet accord décomplexé intervient pourtant dans un contexte très tendu et hautement controversé, qu'a rappelé la députée Laure de la Raudière dans une série de questions écrites adressées ce mardi à Manuel Valls. L'élue UMP, qui s'est faite une spécialité des questions liées à Internet et aux réseaux mobiles, rappelle en effet que Cisco fait partie des entreprises dont les produits et services sont détournés par la NSA pour se donner des capacités d'espionnage, mais aussi que "le 18 février 2015, le président des États-unis d'Amérique, Barack Obama, s'est élevé contre les enquêtes menées par la commission européenne sur les positions anti-concurrentielles des grands fournisseurs de services internet, et a jugé qu'internet est américain, qu'il est normal qu'il soit sous leur contrôle quasi-exclusif et que l'essentiel des bénéfices tombe entre les mains de leurs champions lesquels sont injustement harcelés par les pays membres de l'UE".
"Internet était à nous, nos entreprises l’ont créé, étendu et perfectionné de telle façon que la concurrence ne peut pas suivre", s'était vanté Barack Obama lors d'une conférence le mois dernier.
ACHAT DU SILENCE, FORMATIONS ORIENTÉES, CYBERSÉCURITÉ
Dans une première question, Laure de la Raudière demande au Premier ministre si "la France doit se laisser « acheter » par les géants américains du numérique ou doit-elle au contraire, se transformer à partir de ses forces, notamment les grand groupes du CAC40". Elle fait le parallèle entre les 100 millions d'euros promis par Cisco et les 60 millions d'euros que Google a accepté de payer pour éviter une redevance sur l'indexation de la presse. L'élue d'Eure-et-Loir veut "savoir comment le partenariat avec Cisco s'inscrit dans l'objectif de transformation numérique de nos grands groupes ou dans la création de nouveaux grands groupes français de l'industrie numérique".
Dans sa deuxième question, Laure de la Raudière dénonce l'importance donnée à Cisco pour la formation des professionnels ou des étudiants. "C'est un investissement rentable pour les grands constructeurs et éditeurs qui fidélisent ainsi les futurs décideurs à leurs produits", assure-t-elle, en demandant "communication des raisons pour lesquelles le Premier ministre a souhaité confier ce programme de formation à une entreprise américaine plutôt que par exemple à des partenaires français tels que l'Ecole 42, OVH, Atos, Orange, Cap Gemini… en capitalisant sur nos laboratoires publics (CNRS, INRIA… )".
Enfin, dans sa dernière question, la députée UMP demande au Gouvernement s'il a demandé son avis à l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) avant de s'engager dans un tel partenariat avec un équipementier américain, et le cas échéant, de fournir cet avis au Parlement. L'accord a été négocié alors que l'agence semble avoir de sérieux doutes sur la mise en cause de la Corée du Nord dans le piratage de Sony Pictures, et se demande s'il ne s'agissait pas plutôt d'un prétexte pour démontrer la capacité de nuisance des Etats-Unis (la Corée du Nord ayant été temporairement coupée de tout accès à Internet, peut-être par activation d'un backdoor sur des routeurs sous contrôle américain).
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