Le fondateur et président d’Alibaba a exposé au 48e Forum économique mondial sa théorie sur les qualités des femmes dans une entreprise.

Comme chaque année, les élites gouvernementales et économiques du monde entier se retrouvent cette semaine à Davos, en Suisse, au 48e Forum économique mondial (WEF), qui a débuté mardi 23 janvier. Quelques 70 chefs d’états y font une apparition, dont le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merk, le Premier ministre indien Narendra Modi, ou encore le président américain Donald Trump, qui doit prendre la parole le 26, au dernier jour du Forum.

La Chine est bien entendu de la partie : si Xi Jinping n’est pas à Davos cette année, son puissant conseiller économique Liu He a réitéré l’éloge du libre-échange et de la mondialisation « heureuse » qui était au coeur du discours du président chinois en 2017. On pouvait aussi, à Davos, écouter les bons conseils de Jack Ma, le fondateur et président du groupe de commerce en ligne Alibaba. Comme, par exemple : « Si vous voulez que votre entreprise ait du succès, les femmes sont les meilleures. »

Quotients émotionnel, intellectuel et d’amour

L’argumentaire en lui-même est quelque peu simpliste : selon Jack Ma, « une personne qui veut réussir doit avoir un quotient émotionnel élevé. Mais si vous ne voulez pas échouer trop rapidement, vous avez besoin d’un quotient intellectuel élevé. Et si vous voulez être respecté, vous devez avoir un quotient d’amour élevé »Or, estime le magnat chinois, « beaucoup d’hommes ont un quotient intellectuel élevé et un quotient émotionnel plus bas — et un quotient d’amour minuscule ». Il pense que les femmes ont le meilleur équilibre des trois, et que c’est pour cette raison qu’il faut les embaucher à des postes importants.

Ce raisonnement est un peu léger, et il est toujours dangereux d’attribuer à chacun et chacune des caractéristiques « naturelles » en fonction de leur genre. Mais ce n’est pas la première fois que Jack Ma tient ce type de discours. À Davos déjà, mais en 2015, il affirmait : « Un des ingrédients secrets d’Alibaba est que nous avons beaucoup de femmes ». Il avait précisé que 47 % de ses employés, et 33 % des rôles de supérieur hiérarchiques étaient des femmes, racontait The Hollywood Reporter. Toujours selon lui, « les femmes pensent plus aux autres qu’à elles-mêmes », ce qui est la clé pour Alibaba et sa capacité à « servir les clients ».

Des compétences professionnelles peu valorisées

Il peut paraître surprenant qu’un patron chinois tienne ce type de discours, la Chine n’étant pas forcément connue pour ses positions féministes. Et, même si le taux d’accès à l’emploi des femmes chinoises est l’un des plus élevés de la région, elles restent bien plus précaires que les hommes, et on les retrouve peu à la tête des grandes entreprises ou au sein du Parti communiste chinois, à quelques exceptions près. Comme l’écrivait la démographe et sinologue Isabelle Attané en 2012, « les compétences des femmes restent, professionnellement, moins valorisées que celles des hommes ».

Alibaba

Alibaba

Les affirmations de Jack Ma sur l’importance des femmes dans une entreprise reprennent d’ailleurs des préjugés très ancrés sur une plus grande sensibilité des femmes et une meilleure propension à prendre soin des autres qui, quand elles existent, sont souvent tout le fruit d’une sociabilisation genrée.

Jack Ma a aussi un avis sur l’éducation

Mais il reste intéressant que cette sensibilité et ces émotions soit-disant féminines, qui sont habituellement utilisées comme arguments contre un leadership féminin, soient présentées comme des qualités essentielles par un grand patron de la tech mondiale, d’autant plus à l’heure où le secteur se pose de plus en plus de questions sur la place des femmes. Sept femmes étaient d’ailleurs à l’honneur cette année à Davos, et se partageaient la présidence du WEF.

On ne peut pas apprendre à nos enfants à concurrencer des machines.

Jack Ma a par ailleurs aussi profité de son intervention à Davos pour donner son avis sur l’avenir de l’éducation, comme le rapporte Business Insider : « Si on ne change pas notre façon d’enseigner, on aura des problèmes dans 30 ans. On ne peut pas apprendre à nos enfants à concurrencer des machines. Il leur faut apprendre des choses utiles comme croire, penser indépendamment, travailler à plusieurs, s’intéresser aux autres. (…) Il faut enseigner aux enfants le sport, la musique, la peinture, l’art, pour être sûrs d’être différents des machines. »

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