Maximilian Schrems a bien le droit de poursuivre Facebook Irlande — qui est le siège des activités du réseau social sur le Vieux Continent — depuis les juridictions de son pays, l’Autriche. Par contre, il ne peut pas engager une procédure judiciaire contre le site au nom d’autres Européens, dans le cadre d’une action collective. C’est la décision que vient de rendre la Cour de justice de l’Union européenne.
Pour justifier cette position intermédiaire dans leur arrêt rendu ce jeudi 25 janvier, les magistrats ont rappelé la particularité du plaignant, Maximilian Schrems : celui-ci a en effet, au fil de ses actions contre Facebook, changé son usage du réseau social, celui-ci devenant professionnel et non plus personnel. Dans ces conditions, il garde le droit de mener une action individuelle, mais il se prive de l’action de groupe.
C’est ce qu’explique la Cour de justice dans un communiqué : « l’utilisateur d’un compte Facebook privé ne perd pas la qualité de ‘consommateur’ lorsqu’il publie des livres, donne des conférences, exploite des sites Internet, collecte des dons et se fait céder les droits de nombreux consommateurs afin de faire valoir ceux-ci en justice », une description qui correspond aux activités de M. Schrems depuis 2011.
Or, note la Cour, Maximilian Schrems a aussi ouvert en 2011 une page sur laquelle il donne des nouvelles de ses démarches contre Facebook, informe de son actualité médiatique et fait de la publicité pour ses ouvrages. Cette page est relativement distincte de son profil sur Facebook, qui lui est destiné à un usage privé, mais son existence pose des difficultés de compétence judiciaire.
Les dispositions européennes sur lesquelles Maximilian Schrems entendaient s’appuyer pour conduire une action de groupe « ne s’appliquent en principe que dans l’hypothèse où la finalité du contrat conclu entre les parties [Facebook et ses membres, ndlr] a pour objet un usage autre que professionnel du bien ou du service concerné », fait observer la Cour de justice de l’Union européenne.
« Ainsi, l’auteur d’une action en justice, qui utilise de tels services, ne pourrait invoquer la qualité de consommateur que si l’usage essentiellement non professionnel de ces services, pour lequel il a initialement conclu un contrat, n’a pas acquis par la suite un caractère essentiellement professionnel », continuent les magistrats. Or, le parcours de M. Schrems gêne l’application de cette règle.
La Cour nuance toutefois son propos en relevant que « la notion de consommateur se définit par opposition à celle d’opérateur économique » et qu’elle ne dépend donc pas de ce que sait véritablement l’individu, même si celui-ci peut acquérir une expertise, des informations et des connaissances de par son engagement. En clair, Maximilian Schrems reste un « consommateur » même s’il s’est spécialisé.
« Une interprétation de la notion de consommateur qui exclurait de telles activités reviendrait à empêcher une défense effective des droits que les consommateurs détiennent à l’égard de leurs cocontractants professionnels, y compris ceux relatifs à la protection de leurs données personnelles », pointe la Cour de justice. Une nouvelle qui a ravi l’intéressé :
« Hourrah ! La Cour de justice a tranché : je peux enfin poursuivre Facebook à Vienne pour violation de la vie privée ! Toutefois, elle limite les droits des consommateurs aux seuls ‘partenaires contractuels’, de sorte qu’il ne peut y avoir de recours collectif. Ça reste un Gros problème pour Facebook de toute façon… », a-t-il écrit dans un tweet, en ajoutant un smiley avec un clin d’œil.
https://twitter.com/maxschrems/status/956447080033259520
Croisade judiciaire
C’est à l’automne 2011 que M. Schrems a porté plainte contre Facebook, après avoir constaté que le site conserve toutes les informations de ses utilisateurs, même ceux qui demandent la suppression de leur compte ou qui se déconnectent. En outre, des accusations au sujet de la création de fiches secrètes sur les personnes qui ne sont pas inscrits sur la plateforme ont aussi été portées contre le réseau social
L’action de l’Autrichien prend alors l’allure d’une véritable croisade judiciaire contre la société américaine, en multipliant les plaintes auprès de la CNIL irlandaise, en ouvrant un site web dédié dont le nom est sans équivoque sur ses intentions (Europe versus Facebook) et en enclenchant les démarches pour un recours collectif qui est soutenu par quelques dizaines de milliers internautes.
Dans cette affaire, le plaignant veut que la justice autrichienne invalide certaines clauses contractuelles que Facebook impose à ses membres et condamne dans le même temps le réseau social, d’abord à arrêter d’utiliser les données litigieuses pour ses propres fins ou celles de tiers et, d’autre part, et ensuite à payer des dommages et intérêts. Plus de 25 000 personnes se sont signalées dans ce cadre.
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