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Son illégalité supposée est au minimum un sujet de débat, mais il n'a été tranché que dans les bureaux du ministère de l'intérieur. Faisant application de la loi anti-terrorisme de novembre 2014, qui autorise le blocage de sites internet sur simple décision policière, l'Etat français a obtenu le blocage du site d'informations Islamic-News.info, auquel l'accès est désormais impossible en France lorsque l'internaute utilise le serveur DNS de son fournisseur d'accès à internet. La loi fait obligation aux FAI de bloquer dans les 24 heures tous les sites dont il reçoivent la liste, sans qu'un juge en ait vérifié l'illégalité.
Le blocage a été signalé dimanche par David Thomson, journaliste de RFI et spécialiste du djihad, auteur du livre Les Français Djihadistes :
#France Page d'accueil d'un site pro-jihad bloqué par les autorités pic.twitter.com/WKwURmsZyq
— David Thomson (@_DavidThomson) 15 Mars 2015
Comme le prévoit le décret d'application, le blocage est exercé par un contournement des enregistrements DNS, qui renvoient l'internaute vers le serveur http://90.85.16.52/, pour signaler et expliquer le blocage aux internautes qui souhaitent accéder au site internet. "VOUS AVEZ ÉTÉ REDIRIGÉ VERS CE SITE OFFICIEL CAR VOTRE ORDINATEUR ALLAIT SE CONNECTER À UNE PAGE DONT LE CONTENU PROVOQUE À DES ACTES DE TERRORISME OU FAIT PUBLIQUEMENT L'APOLOGIE D'ACTES DE TERRORISME", dit un message en lettres rouge majuscules, accompagné d'une main qui symbolise l'interdiction d'aller voir plus loin.
Comme lors des débats, la page d'accueil prétend que la mesure de blocage est avant tout ordonnée "pour protéger les internautes", afin qu'ils "ne se trouvent pas confrontés à des contenus violents et contraires à la loi" ; mais aussi pour "que les personnes qui tentent de visionner ces contenus puissent prendre conscience de la gravité de tels actes", et"pour lutter" contre les sites de ce genre.
"EN AUCUN CAS UN SITE PARTISAN"
Selon David Thomson, Islamic-News était "un site pro jihad assez peu influent". Le site lui-même se décrit comme un "site d’information musulman qui se concentre en particulier sur les territoires dits « islamiques »", dont l'objet est de "fournir à la fois une information détaillée de l’actualité du monde musulman ainsi que des explications d’ordre politique et historique dans le but de comprendre le sujet dans son contexte et sa globalité".
"Islamic-News.info vise également à fournir des analyses ciblées de thèmes récurrents afin de déceler le vrai du faux et ainsi contrer tout appareil de propagande", assure l'éditeur, qui prévient qu'il n'est "en aucun cas partisan d’un quelconque groupe, organisation ou mouvement politique, religieux, civil ou armé."
"Nous considérons qu’il est de notre droit de dénoncer la manipulation, même lorsqu’elle concerne des organisations classées comme « terroristes » à l’image d’Al-Qaeda, de l’Etat islamique ou des Frères musulmans", ajoute Islamic-News, qui prévient que "le fait de réfuter des affirmations s’attaquant à ces organisations ne peut en aucune manière signifier une adhésion de notre part à celles-ci ni même faire la promotion de leurs idées et actes".
Visiblement le ministère de l'intérieur en a jugé autrement dans sa grande sagesse, aussi et surtout par intérêt politique et stratégique. Le gouvernement s'est officiellement lancé dans une campagne de contre-propagande, dont la censure de l'adversaire ou de ses soutiens réels ou supposés est une arme à part entière. Il ne veut pas laisser passer des discours qui pourraient être repris par des djihadistes en puissance, même s'il ne s'agit pas d'appels explicites à passer à l'action violente contre la France ou ses alliés. Encore une fois, c'est le potentiel anti-démocratique du blocage qui pose question, la France ne faisant pas ici la démonstration d'un grand respect de la liberté d'expression et des droits de la défense. Le site a été censuré sans procès équitable, et sans préavis, alors-même que son contenu ne semble pas à première vue être d'une violence et d'une illégalité incontestable.
UN SITE BELGE HÉBERGÉ EN FRANCE
Selon son enregistrement WHOIS, Islamic News est enregistré par un résident de Bruxelles, Farid Makhloufi. Créé en 2013, le site est hébergé chez le prestataire français OVH, ce qui pose question sur le respect du principe de subsidiarité. Selon l'article 12 de la loi anti-terrorisme de 2014, le blocage ne peut être demandé que 24 heures après le défaut de l'hébergeur de retirer les contenus signalés comme illicites par l'administration. Or comme le remarque Next Inpact, il semble que le ménage a effectivement été réalisé, sans que l'on sache s'il a été effectué avant ou après la mesure de blocage.
Sur Facebook, Islamic News continue à exister sans aucune censure, ce qui ne conforte pas l'hypothèse d'un site d'apologie incontestable du terrorisme. Le réseau social a fortement durci sa propre censure des discours djihadistes, mais a visiblement choisi de ne pas sévir contre Islamic News, qui utilise principalement sa page pour dénoncer "les terroristes kurdes de l'YPG", "les milices chiites contre les sunnites", ou "l'entité sioniste". Des points de vue évidemment controversés, mais qui doivent être entendus dans une démocratie qui se revendique comme telle, et se laisse la possibilité d'entendre et contre-dire toutes les opinions.
UN RECOURS IMPLICITEMENT REJETÉ
Comme le prévoit le décret d'application, la page de redirection du ministère de l'intérieur propose de contester le blocage "si vous estimez que la page bloquée n’est pas illicite".
Mais le recours s'exerce exclusivement par voie postale auprès de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), qui établit la liste des sites censurés, ou auprès du ministre de l'intérieur, qui demande à l'OCLCTIC d'établir cette liste. Surtout, le recours sera "considéré comme implicitement rejeté" en l'absence de réponse dans un délai de deux mois. Le rejet n'aura donc pas besoin d'être motivé, pas plus que ne l'était le blocage en premier lieu.
C'est uniquement à l'expiration de ce délai et de ce rejet très probable qu'un recours en justice pourra être adressé auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
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