Tout juste présenté en Conseil des ministres et enfin rendu public ce jeudi, le projet de loi Renseignement présenté par Manuel Valls s'attire déjà les foudres, y compris des institutions chargées de rappeler les principes du droit au Gouvernement. Après la CNIL qui a émis de nombreuses réserves, c'est le Conseil National du Numérique (CNNum) qui tire à boulets rouges sur le texte qui renforce les prérogatives des services de renseignement en leur offrant de nouveaux outils légaux, en échange de quelques améliorations (mais aussi de reculs) sur la garantie des droits.
Dans un communiqué, le CNNum qui n'a pas été consulté "déplore le projet d'étendre de manière significative le périmètre de la surveillance, sans que cette extension ne s'accompagne de garanties suffisantes en termes de libertés".
Le texte élargit en effet les cas dans lesquels des renseignements peuvent être collectés, en prévoyant désormais sept catégories de "risques et menaces" susceptibles de justifier la collecte de données, dont plusieurs sont de portée extrêmement large ("exécution des engagements internationaux" ?, "prévention de toute forme d'ingérence étrangère" ?, "prévention des violences collectives" ?…) :
- L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ;
- Les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements internationaux, la prévention de toute forme d'ingérence étrangère ;
- Les intérêts économiques ou scientifiques majeurs ;
- La prévention du terrorisme, des atteintes à la forme républicaine et à la stabilité des institutions, de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous ;
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
- La prévention de la prolifération des armes de destruction massive ;
- La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.
SURVEILLANCE DE MASSE PAR ALGORITHMES
"De plus, le Conseil est préoccupé par l’introduction de nouvelles techniques de renseignement, dont certaines peuvent confiner à une forme de surveillance de masse", s'inquiète le CNNum. "C’est le cas, par exemple, du dispositif de traitement automatisé qui pourra être déployé chez les opérateurs et les fournisseurs de services et qui permettra la remontée en temps réel de comportements “suspects” sur les réseaux".
Le texte prévoit en effet de donner la possibilité au premier ministre d'exiger (c'est le terme employé) l'installation de sondes intelligentes chez les FAI et les hébergeurs, sous le sceau du secret absolu, qui viseront à détecter des comportements suspects. Selon Télérama, "seuls les opérateurs télécom français ont été sollicités par le gouvernement pour entamer des négociations autour du mystérieux algorithme, et l’incertitude règne autour de la collaboration des géants du Web", qui pourrait avoir été demandée par Bernard Cazeneuve lors de son récent séjour aux Etats-Unis.
Pour le Conseil national du numérique, "l’usage des techniques de renseignement algorithmiques change la nature même du renseignement en plaçant l’algorithme au cœur de notre mode de gouvernance".
Godefroy Beauvallet, vice-président du CNNum, va même plus loin en attaquant directement les déclarations publiques du ministre de l'intérieur et de Manuel Valls, qui avaient promis que la loi ne serait pas un Patrioct Act à la française. "Il ne suffit pas de répéter qu'il ne s'agit pas d'un Patriot Act à la française. Pour s'en assurer, il faut inclure de manière contraignante le principe selon lequel la surveillance de masse, généralisée et indifférenciée, est étrangère à l'Etat de droit", condamne-t-il.
Même esprit pour Valérie Peugeot, également vice-présidente du Conseil : "Cette trajectoire législative, trop souvent guidée par la promesse illusoire d’une société sans risque, participe à la création d’un climat anxiogène dans la société et érode progressivement les libertés publiques et individuelles".
(Photo : CC Tony Fischer)
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