L’application de jogging Strava regroupe sur une carte les trajets des joggeurs. Or, il est apparu que le service pourrait divulguer l’emplacement de certaines bases militaires, à cause de la géolocalisation. Que préconise l’armée française en la matière ?

L’affaire a éclaté à la fin du mois de janvier. Strava, une application mobile permettant aux sportifs de suivre, analyser et partager leurs performances et leur progression au fil du temps, s’est retrouvée au cœur d’une controverse liée à la géolocalisation des athlètes, car le tracé des courses des joggeurs et des cyclistes est représenté sur une carte d’activité accessible à tous.

Ce type d’affichage n’est certes pas nouveau : des applications comme Nike+ Running ou Runtastic font la même chose.

Cependant, il est apparu que dans certaines circonstances, ces informations, même si elles sont anonymisées, peuvent avoir une incidence réelle sur la sécurité : en effet, ces tracés pris collectivement pourraient révéler involontairement l’emplacement de bases militaires secrètes, dans la mesure où des soldats s’en servent, notamment pendant un déploiement à l’étranger, pour garder la forme.

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La carte d’activité.

Et bien sûr, les troupes font leur jogging dans leur base ou à proximité ; elles ne vont pas s’aventurer bien loin, pour d’évidentes raisons de sûreté. Quant aux populations locales, on peut juger sans risque qu’elles ont d’autres chats à fouetter que d’acquérir un smartphone et y installer une application de running.

Aux États-Unis, l’affaire connaît un certain retentissement dans la mesure où Strava jouit d’une certaine notoriété — renforcée par le fait qu’outre-Atlantique, l’armée suit avec attention le souci de l’obésité dans ses rangs. Le Washington Post rapporte qu’en 2013, 2 500 soldats ont reçu dans le cadre d’un programme pilote un bracelet Fitbit pour les pousser à se remuer.

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Un joggeur et son bracelet Fitbit.

L’armée française concernée ?

Et les soldats français, alors ? Auraient-ils eux aussi indiqué par mégarde à Strava la position de certaines bases au Mali, au Niger, en Irak, en Syrie ou même en Libye ? Le site Opex360, spécialisé dans les questions militaires, tend à répondre par l’affirmative, mais l’exemple qui est donné ne porte pas sur une base secrète. En effet, la base évoqué est celle de Madama, située dans l’extrême-nord du Niger

Il n’est pas certain que le tracé de Strava autour de Madama provienne de l’utilisation de l’application par des militaires français : il pourrait tout aussi bien s’agir de forces spéciales américaines donnant en toute discrétion un coup de main dans la région, dans la mesure où Madama peut accueillir des troupes étrangères (on parle par exemple d’un futur contingent italien).

Mais le résultat est le même : la base apparaît indirectement sur la carte.

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CC Guilhem Vellut

Ce problème est suivi de près par le ministère des armées. Au Monde, un responsable a déclaré qu’un « rappel en interne » a été effectué afin que tout le monde ait bien en tête la « nécessité de respecter les règles élémentaires de sécurité en opération ». Cela passe en particulier par une phase de déconnexion et une piqûre de rappel de ce qu’il convient de faire et de ne pas faire sur les réseaux sociaux.

« Quand les militaires arrivent en opération, ils sont informés des règles de sécurité, notamment relatives aux réseaux sociaux. On les met en garde, notamment les jeunes. Sur Facebook, par exemple, on leur dit de faire attention aux informations sensibles. Avec Strava, on en a remis une couche », a-t-il ajouté, toujours dans une réaction donnée à nos confrères du Monde.

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CC copsadmirer

Code de bonne conduite

Le problème de la géolocalisation et de l’utilisation des réseaux sociaux est pris au sérieux par le ministère des armées, et cela depuis longtemps. En 2012, un code de bonne conduite pour les réseaux sociaux avait été diffusé à l’attention des militaires et des personnels civils de la défense, ainsi qu’à leurs familles. La dernière version de ce guide date de 2016.

Concernant la géolocalisation, l’armée demande sa désactivation du smartphone lors d’un déploiement en opération — une consigne qui s’applique implicitement aux autres gadgets électroniques disposant aussi de cette fonctionnalité. L’armée rappelle que le respect de cette consigne, et des autres, concerne la sécurité du militaire mais aussi celle de ses camarades et joue sur la réussite des opérations.

« Le principal risque sur les médias sociaux est la divulgation d’informations confidentielles relatives aux opérations mettant alors en péril la sécurité des activités. De simples statuts, photos ou vidéos peuvent parfois contenir des informations stratégiques. Ce risque doit être une des premières préoccupations du personnel du ministère de la Défense qui utilise ces médias » était-il expliqué lors de la sortie de la première version du guide.

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