Ce mardi après-midi était organisé au Sénat, à l'initiative du groupe socialiste, un débat parlementaire sur "Internet et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse". L'occasion pour les différents orateurs de proclamer sans surprise leur attachement extrêmement réservé à la liberté d'expression qu'ils aiment surtout lorsqu'elle est enchaînée, en particulier — et c'est normal — lorsqu'il s'agit d'utiliser cette liberté pour diffuser des propos haineux de toute nature.
Il n'y a hélas pas grand chose à retirer du débat, qui aura atteint le fond de la caricature dans les propos du sénateur Pierre Charon à l'égard d'Internet ("un espace sans foi ni loi", "un outil de radicalisation et de recrutement pour djihadistes"). Mais l'intervention finale de la secrétaire d'Etat Axelle Lemaire a de quoi faire bondir tout Républicain.
Chargée du numérique au Gouvernement, et garante en principe du respect de l'Etat de droit y compris sur Internet, Axelle Lemaire a en effet abordé la question du "contre-discours" (comprendre contre-propagande) à opposer aux terroristes, et appelé de ses voeux la mobilisation de la société civile. Ce faisant, la secrétaire d'Etat au numérique a tenu à saluer l'initiative pourtant très discutable d'un groupe Anonymous, qui a mis en ligne publiquement près de 10 000 comptes Twitter qu'il affirme être associés à l'Etat Islamique, et qui continue à en dénoncer de nouveaux chaque jour :
Le groupe affiche les noms des comptes Twitter de milliers d'internautes en affirmant qu'il s'agit de "comptes actifs suspectés" d'être liés à l'Etat Islamique, mais sans donner d'explications méthodologiques, ni sur la découverte des comptes en question, ni sur la qualification des propos qui y seraient publiés. "Plus ces comptes attireront l'attention, plus il y aura de chances pour que Twitter décide d'agir et de les supprimer", explique un Anonymous (dans un billet depuis supprimé). Les internautes sont ainsi encouragés à consulter les comptes pour vérifier l'accusation, et à les signaler à Twitter pour qu'il les désactive.
Actuellement, selon le listing, 2 733 comptes listés par Anonymous auraient ainsi été désactivés, mais 3 613 autres seraient toujours en ligne.
Il est bien sûr utile que la société civile participe à signaler aux plateformes les comptes qui diffusent des contenus pénalement répréhensibles. En France, la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) fait d'ailleurs obligation aux hébergeurs de mettre en place des outils de signalement. Mais faut-il pour autant aller jusqu'à encourager au sommet de l'Etat l'établissement par les civils de listes publiques nominatives d'internautes simplement suspectés d'être du mauvais côté d'une guerre ? Sans doute pas.
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