Mise à jour : la Commission européenne a confirmé mercredi une communication des griefs à Google concernant le service de comparaison de prix (Google Shopping), et l'ouverture d'une procédure formelle d'examen distincte concernant Android. "Je crains que l’entreprise n'ait injustement avantagé son propre service de comparaison de prix, en violation des règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante (…). Si l’enquête devait confirmer nos craintes, Google devrait en assumer les conséquences juridiques et modifier la façon dont elle conduit ses activités en Europe", a expliqué Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la politique de concurrence.
Concernant Android, la Commission veut savoir "si Google a violé les règles de l'UE en matière d'ententes et d'abus de position dominante en entravant le développement et l’accès au marché des systèmes d’exploitation, applications et services concurrents pour appareils mobiles, au détriment des consommateurs et des développeurs de services et produits innovants".
Article du 2 avril 2015 — La visite personnelle d'Eric Schmidt à Bruxelles il y a un mois n'a pas permis de débloquer les négociations entre la Commission européenne et le géant des moteurs de recherche ; et ce que l'on voyait venir depuis plusieurs mois est effectivement sur le point de se produire. Selon les informations du New York Times, la Commission européenne devrait annoncer d'ici quelques semaines l'arrêt de l'enquête pour abus de position dominante qu'elle avait ouverte il y a bientôt cinq ans, et l'ouverture d'une procédure contentieuse qui pourrait aboutir à de lourdes sanctions contre Google.
Selon les textes, en cas de condamnation la firme de Mountain View pourrait devoir payer une amende correspondant à 10 % de son chiffre d'affaires annuel, qui représentait autour de 65 milliards de dollars en 2015. Potentiellement, la Commission peut aussi ordonner la scission de Google en plusieurs entités (par exemple son moteur de recherche principal d'un côté, ses services spécialisés d'un autre), ce qui est demandé par le Parlement Européen. Bien sûr la procédure peut aussi s'interrompre à tout moment si Google accepte de signer un accord satisfaisant aux yeux des gendarmes de la concurrence, et des plaignants.
L'action contentieuse, si elle se confirme, représenterait un retournement dans la stratégie des autorités européennes. Très critiquée pour son manque d'autorité sur le dossier, l'ancienne Commission avait tout fait pour éviter d'en arriver à cette extrémité, plus par manque de courage des fonctionnaires que par conviction. Acceptant de se faire mener en bateau pendant de longues années d'enquête et de discussions, elle avait finalement préparé avec Google un accord amiable totalement inacceptable, très largement à l'avantage de l'Américain, qui a provoqué la colère de professionnels désormais unis sous une même bannière, l'Open Internet Project (OIP).
Selon le New York Times, la Commission européenne a demandé aux entreprises européennes concernées par l'abus de position dominante de Google l'autorisation de publier des extraits de leurs plaintes respectives, ce qui serait une phase préliminaire aux poursuites. Parmi d'autres griefs, les plaignants estiment que Google utilise sa part de marché écrasante en Europe pour mettre en avant ses propres services auprès des internautes, au détriment des services spécialisés déjà existants qu'il décide de venir concurrencer.
SUR QUEL "MARCHÉ PERTINENT" ?
Le poids de Google est tel qu'une entreprise de petite ou moyenne importance qui devient concurrencée par Google sur son marché n'a guère de chances de survie. Telle qu'elle est ressentie par de nombreux acteurs, la stratégie de la firme de Mountain View est souvent la même : casser le marché en offrant le même service totalement gratuitement, à pertes, avant de faire progressivement payer les clients lorsque le service est devenu incontournable.
Le mois dernier, le Wall Street Journal a révélé une étude accablante réalisée par la Commission Fédérale du Commerce (FTC) américaine, qui concluait que Google avait effectivement causé "un réel préjudice aux consommateurs et à l'innovation" en abusant de sa position dominante.
Mais la partie ne sera pas facile pour la Commission européenne. Google n'a pas caché son intention de combattre bec et onglets les accusations, et de démontrer qu'il n'est même pas en situation de position dominante sur le "marché pertinent", qu'il veut étendre au delà du simple moteur de recherche.
Si ce "marché pertinent" s'étend par exemple jusqu'aux réseaux sociaux, Google aura beau jeu de mettre en avant le poids de Facebook ou Twitter. Dans ce cas, Bruxelles pourrait ne pas avoir les motifs juridiques suffisants pour démontrer l'abus, et pourrait tout perdre en cas de recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Un échec que les fonctionnaires de la Commission veulent éviter, car elle serait vécue comme un affront susceptible de bloquer leur avancement de carrière. C'est sur cette menace que Google jouera pour tenter d'arracher un accord à l'amiable.
(Photo : CC Mike Hoff)
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