Manuel Valls a-t-il trop bien écouté les paroles de Lui Wei, le ministre chinois de l'administration du cyberespace, qui l'an dernier avait demandé à l'Europe de s'inspirer de la Chine pour faire d'internet "une place publique d'opinions honnêtes et raisonnables" ?
A l'occasion d'une master class organisée par le Huffington Post, le Premier ministre a annoncé un nouveau volet de la stratégie de contre-propagande de l'Etat, après la censure de sites sur simple ordre administratif (et sans aucune explication fournie à ceux qui en réclament) et la création du site Stop-Djihadisme, que Google est payé à mettre en avant.
La France va mettre sur pieds une Fondation de droit privé qui aura pour charge d'alimenter un "bataillon de community managers de l'État" en outils de contre-propagande pour s'opposer non seulement au djihadisme, mais plus largement aux discours dits "complotistes" qui peuvent miner la crédibilité donnée aux informations officielles de l'Etat, et donc indirectement alimenter les adversaires de la France.
"Nous nous adressons au coeur de cible : les jeunes en voie de radicalisation", annonce Manuel Valls. "Nous allons donc mettre en place un bataillon de community managers de l'Etat pour opposer une parole officielle à la parole des djihadistes, et ne pas leur laisser l'espace numérique". "Mais nous savons qu'il est difficile pour les autorités, pour l'État, pour les adultes, de s'adresser aux jeunes concernés, les djihadistes utilisant la théorie du complot justement pour décrédibiliser la parole officielle. Il faut reconnaître que leurs sites, leur paroles, sont "très bien faites, très efficaces", c'est une véritable propagande utilisant les moyens modernes pour atteindre les esprits, les coeurs et les cerveaux".
INSPIRÉ PAR LA CHINE ?
Ces "community managers" agiront-ils au grand jour en portant clairement les couleurs de l'État lorsqu'ils s'exprimeront sur le web, ou l'organisation d'impulsion étatique sera-t-elle plus proche de ce que fait la Chine avec son "parti à 50 centimes", qui constitue une armée de propagande de l'ombre, chargée de répondre aux prétendues "rumeurs" ?
Pour le moment ça n'est pas clair. "Nous devons coordonner les acteurs sur la Toile, la société civile, les acteurs privés, et toute la société doit se mobiliser", explique Valls (déjà en mars dernier, la secrétaire d'État au numérique Axelle Lemaire avait applaudit l'initiative pourtant très contestable d'un groupe Anonymous, de publier et dénoncer une liste d'utilisateurs de Twitter supposément proches de l'État Islamique). Or s'il a d'abord parlé de "community managers de l'État", le Premier ministre a ensuite indiqué que la Fondation, qui "fera de la recherche sur l'évolution du discours et de la propagande djihadistes", produira des "outils de "contre-discours pour alimenter ces community-managers associatifs".
La Fondation devrait donc alimenter des associations comme SOS Racisme, la LICRA, le CRIF ou d'autres, pour "croiser le fer plus efficacement contre les recruteurs djihadistes sur la Toile, (et) ouvrir les yeux à ceux qui sont embarqués dans cette dérive".
Or rien n'interdira à ces blogueurs associatifs d'agir dans l'ombre. Et s'agissant d'une initiative sous droit privé, l'Etat n'aura pas de comptes à rendre.
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