Salomé est psychomotricienne à Montpellier. Quand elle a du temps à donner à la communauté, elle devient Sexpédition : une vidéaste prête à défier les tabous pour offrir à ses spectateurs et spectatrices une « éducation sexuelle qui représente la vraie vie, qui transmet mes valeurs », dit-elle.
Ambre est plus jeune, mais cette jeune fille à l’accent du Midi défend la même liberté et la même utilité. Ses vidéos, comme L’histoire de la sodomie, défendent une approche libérée et simple de la sexualité. Elle croit savoir que son propos « donne confiance en soi aux plus jeunes ». « Alors que l’école ne fait pas assez en la matière et que la première éducation sexuelle des jeunes est devenue le porno, il y a un besoin d’une éducation sexuelle sérieuse et décomplexante », estime de son côté Salomé.
« L’endroit où nous pouvions parler de tout »
Dès lors, pour ces jeunes femmes, YouTube est apparu comme le lieu de la liberté pour transmettre leurs pensées positives et décomplexées. « Je pensais que c’était l’endroit où nous pouvions parler de tout », se souvient Ambre. Mais il y a quelques mois, après une longue crise avec les annonceurs, la plateforme vidéo de Google serre la vis. « Avant, je n’avais aucun problème, et puis mes vidéos ont été progressivement démonétisées, quasiment toutes », dit Ambre, quand Salomé tient un compte : « Sur mes 19 vidéos, il n’y en a que quatre qui sont monétisées ».
En réalité, les contenus de ces vidéastes n’ont pas été tout à fait démonétisés, mais ils sont désormais considérés comme sensibles pour la plateforme qui leur octroie la plus faible monétisation possible. Derrière cette classification, il y aurait les processus automatisés de Google qui cibleraient des mots précis : vagin, vulve, sodomie, cunnilingus, etc.
Sans distinguer ce qui relève de l’éducation sexuelle des contenus que l’on imagine beaucoup moins subtils, YouTube pénalise. Au point que les créatrices s’inquiètent : « Ça me tient à cœur de sensibiliser sur ces thématiques rappelle Ambre, mais je commence à me remettre en question : vais-je continuer à faire ces vidéos sans jamais être rétribuée ? »
« Le but, c’est de partager mes convictions »
Altruiste, mais pas prête à se sacrifier, la vidéaste rappelle les investissements qu’elle fait pour produire ses contenus : matériels, temporels et logiciels. La jeune femme qui voulait, a minima, rentabiliser l’argent investi depuis sa poche d’étudiante, semble légitime dans sa demande de reconnaissance.
Salomé, dont la chaîne est moins connue, tempère : elle n’a jamais fait ça pour l’argent, mais ce problème de monétisation lui fait craindre une raréfaction de ces contenus au ton libérateur. « Je fais ça avec mon smartphone, je n’ai jamais acheté de matériel, et dans ces conditions, je n’imagine pas le faire. Le but, c’est de partager mes convictions, mener ce combat, pas de dépenser de l’argent inutilement ».
Les deux jeunes femmes ont bien essayé de s’en remettre à la modération manuelle de YouTube. Ambre est rapidement déçue : elle estime que les trois quarts de ses demandes sont invalidées : elle ne se verra pas re-qualifiée. Salomé peine davantage, sa chaîne, trop petite, n’a même pas accès aux mêmes services de modération que les autres. Le combat semble perdu.
Ambre s’est résignée à continuer, « plus rarement, je vais développer d’autres thématiques pour pouvoir continuer ». Salomé ne va pas s’arrêter non plus, mais il lui manquera le coup de pouce nécessaire à faire de son discours une parole audible auprès du plus grand nombre.
Trois quarts de ses demandes seront invalidées par YouTube
Interrogé par Numerama, YouTube renvoie vers son billet de blog du 17 janvier dernier. Dans ce dernier, la plateforme indique vouloir empêcher « certains acteurs malveillants, ou des spammeurs, d’exploiter le système pour monétiser un contenu inapproprié ». Ce n’est pas le cas des créatrices, qui, en outre, se conforment aux règles de la communauté. Pour nous, un porte-parole ajoute également : « Le nouveau système de monétisation est en train d’être ajusté, les décisions ne sont pas irrévocables ».
Il insiste sur la possibilité pour les créatrices de faire appel, ajoutant : « Un dialogue est possible ». Enfin, pour YouTube France, « la sexologie n’est pas une thématique que nous rejetons, nous ne sommes pas en guerre avec ces contenus. Toutefois chaque situation doit être évaluée différemment ».
Les créatrices sont invitées à faire vérifier leur contenu, injustement condamné. La balle est dans le camp de YouTube qui doit maintenant les écouter.
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