Nexa, ex-Amesys, fournisseur de solutions de surveillance électronique au régime de Kadhafi, puis à l’Égypte de Sissi, n’est pas le seul industriel français à entretenir des liens commerciaux privilégiés avec le régime autoritaire du Caire.
Télérama révèle qu’Ercom, entreprise française, serait également responsable de la vente de puissants outils de surveillance à l’Égypte. Complémentaire des solutions de Nexa, Ercom, via sa filiale Suneris, participe avec l’aide du groupe industriel énergétique français Engie à la mise en place d’une solution de surveillance performante et tentaculaire sur la terre des pharaons.
« Plus qu’un trou dans la raquette »
Ce lundi 26 mars se tient la quatrième élection présidentielle égyptienne depuis 2005, et celle-ci prend place dans un contexte où la pluralité issue de la révolution a été étouffée, les opposants révolutionnaires et frères musulmans ont été maintenus dans le silence. Pour de nombreux observateurs, la puissance du renseignement égyptien est en parti responsable de l’effacement de cette opposition. L’enquête d’Olivier Tesquet vient, dans ce contexte, pointer la responsabilité des industriels français dans la mise en place d’un appareil de surveillance démesuré.
Au fil des découvertes du journaliste, on lit entre les lignes l’intérêt français à aider le maréchal Sissi malgré une dérive autoritaire qui est pourtant reconnue par la France — bien que Macron se garde de « donner des leçons » à l’homme fort de l’Égypte. Si Bercy et Bruxelles ont exprimé leur souhait de mettre fin aux ventes d’armes électroniques à un régime tel que celui du Caire, il apparaît que l’État ne s’est pas opposé à la vente des produits d’Ercom au renseignement égyptien.
« La régularité de ces affaires montre un double discours de la France »
Pour le journaliste, « la régularité de ces affaires, Qosmos, Amesys et maintenant Ercom, montre un double discours de la France face à la vente de ces armes électroniques. » Auprès de Bruxelles, qui a déjà fait connaître son souhait de réglementer ces ventes, l’État français ferait entendre sa bonne volonté et s’estimerait même bon élève.
Mais pour Olivier Tesquet, la répétition de faits similaires contredit la parole publique. Les services français ont en effet permis à Ercom et Suneris de vendre des armes à Sissi avant 2015. « À l’époque d’Amesys, la ligne de défense française était de dire qu’il s’agissait d’un trou dans la raquette, un bug du dispositif qui ne témoignait pas d’une volonté politique, là, les autorités ont autorisé la vente, et Ercom a été soutenu » rappelle le journaliste.
« Les briques du système répressif égyptien »
À l’Élysée comme au Quai d’Orsay, Olivier Tesquet n’imagine pas que la transaction puisse être inconnue des services. Il rappelle que l’État a soutenu de deux manières l’entreprise française : « d’abord, le FSI, ancêtre de la Banque Publique d’Investissement, a financé Ercom dans le cadre de la politique industrielle française, puis il y a également un soutien politique qui a conduit les transactions à avoir lieu avec l’Égypte. »
Pour le journaliste, il faut voir dans la multiplication des ventes d’armes au régime du Caire une tentative de normalisation des relations avec un « allié » de la France dans la région. Interrogé sur l’intérêt supposé d’une coopération dans la lutte contre le terrorisme avec l’Égypte, M. Tesquet note : « Le problème est la définition du terrorisme : en France, on s’intéresse légitimement aux attaques perpétrées sur le territoire égyptien et les cellules terroristes, mais en Égypte, le terme terroriste recouvre un ensemble trop large : opposants, défenseurs des droits de l’homme et djihadistes. »
« En Égypte, le terme terroriste recouvre un ensemble trop large »
Après avoir mis en lumière les fonctionnalités du dispositif de surveillance livré à l’Égypte, le journaliste estime que les outils français ont bien renforcé la répression organisée par le renseignement militaire égyptien. Il observe que les procès menés devant les tribunaux militaires ont explosé, menés par la branche militaire du renseignement, celle-ci même qui bénéficie des armes électroniques françaises.
La bonne entente de la France avec le régime de Sissi, parfois peint en digue contre l’islamisme et garant de la stabilité de la région, réunirait toutes les conditions pour que le commerce d’armes continue. « Je crois qu’on peut parler d’impunité » tranche le journaliste de Télérama, constatant un statu quo depuis les révélations sur Amesys.
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