Le compteur communicant Linky suscite une relative réticence dans la population. Il existe en effet des craintes sur une nuisance supposée que ce matériel aurait sur la santé — ce qui n’est pas démontré en l’état actuel de la recherche — et sur ce qui est récolté et déduit en matière de données personnelles — un point à l’égard duquel la Cnil s’est efforcé de démêler le vrai du faux.
Mais si Linky fait parler de lui aujourd’hui, ce n’est ni pour des questions de santé ni pour des problématiques liées à la vie privée. En tout cas, pas de manière aussi directe pour ce second scénario. Si le compteur communicant a récemment obtenu une relative attention médiatique, c’est parce le fournisseur et producteur d’électricité et de gaz Direct Énergie a fait l’objet d’une mise en demeure de la Cnil.
Il est en effet reproché à la société d’avoir joué sur la méconnaissance du public au sujet du Linky pour obtenir des particuliers un prétendu consentement sur la collecte des données de consommation horaires. Par défaut, la collecte des données de consommation se fait sur une base journalière. Il est possible de communiquer une consommation horaire ou à la demi-heure, mais c’est au libre choix de chacun.
Comme le note la Commission nationale de l’informatique et des libertés, Direct Énergie « demande à ses clients leur accord simultanément sur deux points ». Le premier concerne donc cette collecte horaire et « sur la mise en service du compteur Linky ». Or, rappelle l’autorité de contrôle, il est impossible de demander le feu vert du public sur la mise en service du compteur Linky, puisque celui-ci est obligatoire.
C’est ce que pointe la Cnil dans un dossier sur les données collectées et transmises par les compteurs communicants : « la généralisation des compteurs résulte d’une obligation légale de modernisation des réseaux qui répond à des directives européennes. Vous n’avez donc pas le droit de vous opposer au changement du compteur d’énergie de votre logement ».
Direct Énergie n’a donc pas à demander un accord pour la mise en service du compteur. Le fournisseur n’a pas non plus à lier cet accord avec cette collecte horaire, « qui est présentée comme le corollaire de l’activation du compteur et comme permettant au client de bénéficier d’une facturation au plus juste », alors qu’en fait, ce consentement ne porte que sur la collecte de ses données de consommation.
Or, une récupération à une fréquence aussi resserrée peut permettre de déduire ce qui se passe dans un foyer : heures de lever et de coucher, périodes d’absence ou nombre d’occupants du logement. Un peu à la manière des métadonnées, qui peuvent être très bavardes si on les recoupe en nombre. « Ces données peuvent révéler de nombreuses informations relatives à leur vie privée », écrit la Cnil.
Et ce n’est pas tout : si la collecte par défaut se fait sur une base journalière, leur transmission par défaut ne concerne que le gestionnaire du réseau. Pour que l’information parvienne au fournisseur, il faut obtenir l’accord préalable de l’usager. Or ici, Direct Énergie a fait le forcing pour obtenir ces données. Pour la Cnil, il s’agit d’un autre « manquement ».
Aux yeux de la Cnil, il y a donc une infraction à l’article 7 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, puisque le consentement au traitement de données personnelles n’est « pas libre, éclairé et spécifique ». Direct Énergie a donc trois mois pour rentrer dans les clous. Si la société ignore l’avertissement de l’autorité, des sanctions pourront être prises, avec à la clé une amende administrative.
Le déploiement des compteurs communicants se fait dans le cadre de la loi du 17 août 2015. Il est prévu qu’ils soient installés dans tous les foyers français à l’horizon 2021, ce qui représente pas moins de 35 millions de compteurs à changer. Fin décembre, 7,3 millions de ces compteurs ont été installés dans 4 200 communes, au rythme de 28 000 Linky par jour grâce à 3 000 installateurs sur le terrain.
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