Les ambitions de la Russie pour fragiliser le réseau TOR vont devoir être revues à la baisse. Et pour cause : l’organisme qui avait décroché un financement de l’État pour démarrer des recherches destinées à casser ce réseau a visiblement renoncé à poursuivre ses travaux, selon des documents qu’a pu consulter Bloomberg. En outre, un cabinet d’avocats a même été recruté pour mettre un terme définitif au contrat.
Rappel des faits. L’année dernière, la publication d’une offre sur le site des marchés publics russes portant sur TOR est découverte. Celle-ci demande aux scientifiques de chercher des solutions pour contourner l’anonymat des utilisateurs du réseau, qui est perçu comme une menace potentielle par les autorités. Pour financer les travaux, une enveloppe d’environ 83 000 euros (3,9 millions de roubles) est prévue.
Ce financement n’est en réalité pas très surprenant. Déjà en 2013, le directeur du service fédéral de sécurité de la Russie (FSB, ex KGB), Alexandre Bortnikov, avait fait savoir tout le mal qu’il pensait de TOR, qui est vu par le pouvoir comme un refuge pour les criminels afin d’échapper à la justice. Le patron des services de sécurité avait même plaidé pour son interdiction pure et simple.
Selon Bloomberg, c’est l’institut de recherche central en économie, informatique et systèmes de contrôle, lui-même dépendant du Rostec, qui a remporté l’appel d’offres. Mais celui-ci a manifestement choisi de revenir sur ses engagements, sans que l’on sache très bien pourquoi (tâche trop ardue à accomplir ? Financement insuffisant ? Autre chose ?).
L’institut n’a en tout cas pas hésité à mettre la main au porte-monnaie pour engager des avocats chargés de négocier la fin du contrat. Les frais juridiques engagés sont de l’ordre de 10 millions de roubles (environ 136 000 euros), indiquent nos confrères.
TOR PROGRESSE EN RUSSIE
Si l’on se réfère aux statistiques communiquées par TOR concernant la Russie, on peut voir que le nombre d’usagers directs a fortement augmenté entre 2013 et 2015. À l’heure actuelle, celui-ci se situe entre 150 000 et 200 000. Deux grands pics d’affluence ont été enregistrés, l’un à la mi-2013 (sans doute lié aux révélations de Snowden) et l’autre début 2014 (peut-être à la politique de Poutine).
Bien que très élevé, le niveau d’anonymat de TOR a quelques limites. Il est ainsi possible, comme l’a révélé Snowden, de pister des usagers dans certaines circonstances bien particulières, en collectant toutes les adresses IP pour une analyse ultérieure ou en recoupant des données pour repérer un comportement qui permettrait d’identifier quelqu’un. C’est ainsi que la NSA procède, ne sachant pas casser TOR.
Le réseau TOR suscite également certains fantasmes, dans la mesure où le principe du routage en oignon sur lequel il repose a été développé et financé par le laboratoire de recherche de la marine des États-Unis avec comme principal objectif la protection des communications gouvernementales. Il n’en fallait pas davantage pour que certains voient dans TOR un piège tendu par les USA.
Mais même à imaginer que ce soit vrai, les bénéfices apportés par TOR sont réels et surpassent largement ses inconvénients, réels ou supposés. Ce n’est pas par hasard que le réseau a été récompensé pour son rôle « d’intérêt social« par la FSF, qu’il est recommandé par Reporters Sans Frontières, la fondation Wikimédia ou encore Edward Snowden pour échapper à la censure et à l’espionnage
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