Le projet de loi sur la République Numérique présenté samedi matin contient un article 22 qui, en façade, pourrait interdire à Gmail, Facebook, Twitter ou d'autres de scruter le contenu des correspondances privées pour afficher des publicités contextuelles.

Parmi les nombreuses dispositions de la loi sur le numérique présentée samedi matin par Manuel Valls et Axelle Lemaire figure un article 22 qui peut surprendre par son ambition et ses effets, tant il est dommageable pour certains grandes entreprises du Web. Le texte prévoit en effet de renforcer le principe du secret des correspondances, en complétant l'article L32-3 du code des postes et communications électroniques.

Actuellement la loi dispose que "les opérateurs, ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances". Le projet d'Axelle Lemaire propose d'étendre l'obligation à tous les "éditeurs de services de communication au public en ligne", avec une formulation qui restreint fortement la possibilité qu'ont les fournisseurs de messageries de fouiller dans le contenu des correspondances pour, par exemple, proposer des publicités ciblées.

L'article proposé précise en effet dans un premier temps que "le secret couvre le contenu de la correspondance en ligne, l’en-tête du message ainsi que les documents joints à la correspondance, le cas échéant". Il ajoute, menace d'infraction pénale à la clé, que "tout traitement automatisé d’analyse du contenu de la correspondance en ligne ou des documents joints à celle-ci constitue une atteinte au secret des correspondances, sauf lorsque ce traitement a pour fonction l’affichage, le tri ou l’acheminement de ces correspondances, ou la détection de contenus non sollicités ou malveillants".

Il est par ailleurs précisé que "l’éditeur prend les mesures nécessaires pour garantir le secret et l’intégrité des correspondances échangées", ce qui paraît viser l'obligation de chiffrer les communications.

UN PRINCIPE NON OBLIGATOIRE ?

Serait ainsi interdit pour Gmail le fait de consulter par une intelligence artificielle le contenu du message pour savoir que tel internaute prépare son déménagement et qu'il pourrait donc solliciter les services d'une agence immobilière, ou même peut-être pour Google Now d'aller fouiller le contenu des e-mails pour compléter automatiquement les agendas, faire des rappels de facture ou afficher les billets d'avions reçus électroniquement. Seul serait autorisé le fait de trier les e-mails (ici une publicité, là une newsletter, là un spam, ici un courrier important, etc.), mais c'est à peu près tout.

De même en principe, Facebook devrait arrêter d'analyser automatiquement les messages privés de ses membres pour afficher des publicités ciblées ou même pour tenter, par exemple, de détecter des pédophiles potentiels.

Mais en l'état l'effet concret de cet article 22 sera en réalité incertain. Il ne s'agit pas d'une loi de police qui s'impose à la volonté des internautes, comme l'est par exemple l'article 11 qui précise bien que "les dispositions du présent article sont d'ordre public et toute clause contraire est réputée non écrite". Faute de précision en ce sens, les éditeurs de services de messagerie pourront toujours prétendre avoir obtenu l'autorisation contractuelle d'inspecter le contenu des e-mails ou des messages privés de toute nature. C'est alors le traditionnel droit des contrats qui prend le dessus pour savoir jusqu'à quel point un contrat d'adhésion imposé à l'inscription suffit à présumer l'approbation de l'internaute.

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