L’Assemblée nationale est entrée dans le vif du sujet avec l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations (fake news). Le texte, très controversé, a été adopté par les députés dans la nuit du mardi 3 au mercredi 4 juillet et va désormais devoir être examiné par les sénateurs, afin de concrétiser une demande d’Emmanuel Macron formulée en début d’année.
Au cours des discussions en séance, les parlementaires ont convenu de la nécessité de compléter le texte avec des amendements, dont l’un porte sur l’effet des algorithmes utilisés par les plateformes en ligne dans la propagation des fausses actualités. Défendu par Paula Forteza et cosigné par Éric Bothorel et Cédric Villani, la mesure vise à produire des statistiques sur ces instructions.
La rédaction de l’amendement part de l’affirmation d’un ex-ingénieur chez YouTube qui dit que la plateforme d’hébergement de vidéos utilise des algorithmes favorisant les vidéos devant lesquelles les internautes restent plus longtemps. Ce choix serait fait selon des considérations financières : « plus les gens passent de temps sur ces vidéos, plus elles rapportent des revenus publicitaires à Google ».
« Plus les gens passent de temps sur ces vidéos, plus elles rapportent des revenus publicitaires à Google »
Or, les vidéos qui captent le mieux l’attention des internautes seraient celles ayant un contenu polémique, « pas nécessairement vérifié, aux formats courts et susceptible de véhiculer des fausses nouvelles », écrivent les trois élus. Google, comme toute société voulant gagner de l’argent, aurait donc ajusté ses algorithmes de YouTube pour que ce soit ce type de contenu qui soit promu.
Pour sa part, Google conteste les observations de son ancien employé, estimant que la méthode qu’il utilise pour démontrer sa thèse est incomplète. L’algorithme de YouTube ne proposerait pas spécialement plus de contenus polémiques et potentiellement faux à l’internaute, quand bien même ceux-ci seraient plus intéressants économiquement sur le strict plan des affaires.
Dans ce débat, les députés n’entendent pas trancher immédiatement : en revanche, ils pensent que l’établissement de statistiques permettrait d’y voir plus clair. « Ces statistiques doivent être consultables par tous en ligne et être réutilisables », estiment les élus, afin de savoir la part de fréquentation venant par un accès direct et celle acheminée de façon indirecte.
« Connaitre la part de chaque voie d’accès nous permettra de comprendre si un algorithme en particulier est plus ou moins responsable de l’affichage régulier de certains types de contenus qui véhiculent notamment des fausses informations », écrivent-ils. Il s’agit de distinguer les accès directs, par un lien, et les accès indirects, par les suggestions dans des encarts, qui sont eux produits par des algorithmes.
La mesure ne vise évidemment pas que YouTube, même si le service, du fait de l’audience immense qu’il génère dans le monde, sera en première ligne. Seraient aussi concernés les moteurs de recherche ou bien les réseaux sociaux. Citant l’ex-ingénieur du service, les élus notent que « la plupart des plateformes font des choix similaires. Or, ce choix a un effet pervers qui a un impact majeur sur l’information mondiale ».
En revanche, l’amendement précise bien que cet amendement ne vise qu’à produire des statistiques de fréquentation : « il ne s’agit nullement d’accéder au fonctionnement de l’algorithme en lui-même, la publication des effets d’un algorithme ne menant pas à la possibilité de le reproduire. Ainsi, il n’y a pas d’atteinte au secret des affaires et à la liberté d’entreprendre ».
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