C’est le magazine Closer qui a sorti l’information en premier : Alexandre Benalla, ce chargé de mission au sein du cabinet du président de la République qui se trouve aujourd’hui au cœur d’une vive affaire politique, a été inscrit, au moins jusqu’en 2017, sur Tinder. Le scoop du magazine people fait toutefois débat, d’aucuns se demandant s’il ne s’agit pas là d’un empiétement excessif sur la vie privée.
Si la publication de certains clichés pris par Alexandre Benalla peut l’être (Closer en a trois en sa possession, que l’hebdomadaire publie ce 3 août), l’information en elle-même sur l’usage d’une application de rencontres par un individu au cœur du pouvoir élyséen, qui participe aux déplacements publics et privés d’Emmanuel Macron, peut revêtir un intérêt public, pour des raisons évidentes de sécurité.
Géolocalisation ultra-facile
Car l’une des problématiques récurrentes avec Tinder porte sur la géolocalisation des individus. En cas de « match », c’est-à-dire lorsque les propriétaires de deux profils s’apprécient mutuellement, il est possible d’accéder à des informations utiles, notamment la distance approximative qui sépare les deux individus. C’est ce qu’expliquait Libération en 2016, pour localiser un « match » avant de lui parler.
La manipulation proposée par nos confrères nécessite peu d’huile de coude : il suffit de faire une simple triangulation et de noter les relevés de distance sur une carte. De quelle façon ? En faisant au moins trois relevés géographiques grâce à la possibilité, permise par exemple dans les smartphones Android, de se servir de coordonnées GPS fictives pour simuler des positions spatiales.
Le tout sans se déplacer, et à l’insu de sa cible.
Comme l’observait le quotidien, cette technique connaît toutefois certaines limites techniques (la précision variable des puces GPS), humaines (les relevés et les tracés sur la carte peuvent être approximatifs) et d’emploi (la distance donnée par Tinder ne descend pas sous le seuil du kilomètre). Cette somme d’imprécisions réduit de fait le risque de trouver spécifiquement la personne dans la rue.
Malgré ces barrières, il existe des guides et des procédures sur le net qui décrivent la façon de faire pour pister relativement facilement un profil avec un navigateur Chrome, grâce à l’emploi d’extensions spécifiques. Pour une personne qui aurait la patience suffisante (ou du temps à perdre), pister un individu bien précis est techniquement possible, à condition que les prérequis de « match » soient remplis.
Il faut forcément « matcher » pour géolocaliser un autre membre
Car il faut savoir qu’il n’est pas possible de trouver un profil en particulier sur Tinder. Impossible donc de trouver manuellement la page d’Alexandre Benalla : la seule façon de mettre la main dessus est de matcher avec lui, puisque les profils sont présentés au hasard. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là qu’il est possible de lui parler et d’avoir accès à sa géolocalisation.
Une géolocalisation qu’il n’est d’ailleurs pas possible de couper. Dans sa foire aux questions, le service déclare que « pour pouvoir utiliser Tinder, vous devez autoriser l’application à accéder à votre emplacement ». Si vous escomptiez vous inscrire puis vous rendre dans les options de l’appli pour rejeter le partage de votre position géographique, avant de partir en chasse, il faudra revoir vos plans.
D’autant que la géolocalisation sur Tinder se déclenche à chaque fois que l’application est ouverte. Or, vu les finalités que poursuivent les personnes inscrites sur le service, à savoir avoir une aventure ou trouver l’âme sœur, la tendance naturelle est d’ouvrir l’application plusieurs fois par jour pour discuter avec ses matchs. Et donc, de fait, de transmettre à de nombreuses reprises sa position.
Cette géolocalisation ultra-facile sur Tinder, causée par le design même de l’application (si elle est coupée, les autres fonctionnalités sont coupées, ce qui rend l’appli inutilisable), ne doit pas être ignorée par les personnes qui se servent du service. Au-delà des enjeux liés à la vie privée, le suivi géographique des membres soulève d’autres problèmes quand ce sont des personnalités sensibles qui sont concernées.
Un risque de sécurité ?
Si l’on ne sait pas si Alexandre Benalla se sert encore de Tinder (Closer évoque un usage en 2017), le fait qu’une telle application ait été utilisée dans l’entourage resserré du président de la République, par l’un de ses plus proches collaborateurs, soulève naturellement des questions légitimes sur la sécurité — des interrogations qui valent d’ailleurs pour le reste de l’aréopage entourant le chef de l’État.
Même si, dans les faits, les déplacements officiels d’Emmanuel Macron sont publics et donnés avec quelques jours d’avance via l’agenda, ce n’est pas forcément le cas de ses activités privées. La géolocalisation peut alors apparaître comme un risque de sécurité, même si rien ne dit qu’Alexandre Benalla s’en sert encore aujourd’hui et, le cas échéant, durant ses missions ou de façon très régulière.
Certes, ce risque est extrêmement faible : Emmanuel Macron bénéficie d’une sécurité rapprochée très importante, animée par le Groupe de sécurité de la présidence de la République et renforcée par de nombreux autres services autour, et les services secrets comme la Direction générale de la Sécurité intérieure sont là pour essayer de détecter en amont toute menace.
Il n’empêche.
Pour une personne au cœur du réacteur, habilitée secret défense et bénéficiant visiblement de facilités d’accès, le risque est non nul. En forçant le trait, le profil d’Alexandre Benalla pourrait conduire des puissances étrangères à se servir d’espionnes usant de leurs charmes (Anna Chapman est un cas d’école) pour glaner des informations. Et la France est concernée.
Reste que pour trouver Alexandre Benalla, il n’est sans doute pas nécessaire de déployer autant d’efforts. Il suffisait de se demander ou était Emmanuel Macron. L’intéressé ne devrait jamais être bien loin.
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