Le chiffrement des communications doit-il être mis entre parenthèses à chaque fois que la justice a besoin d’accéder à des informations qui pourraient potentiellement servir à la résolution des enquêtes ? Derrière cette question, qui revient régulièrement dans l’actualité, y compris en France, se joue un débat crucial : il s’agit de savoir où placer le curseur entre sécurité et vie privée.
Aux États-Unis, l’administration actuelle semble vouloir pousser ce pointeur au profit de la sécurité. D’après les sources de l’agence de presse Reuters, le département de la justice a demandé à Facebook, dans le cadre d’une affaire liée au gang Mara Salvatrucha dont le procès se tient en Californie, de lever le chiffrement de bout en bout sur les appels téléphoniques passant par Messenger.
Cette requête est combattue par le réseau social — ce qui n’est pas sans rappeler l’attitude de l’entreprise Apple dans un dossier ancien impliquant un iPhone chiffré. La société avait refusé de céder aux demandes du FBI et n’avait pas hésité à aller devant les tribunaux pour plaider son point de vue –, car un jugement défavorable au chiffrement pourrait avoir des répercussions bien au-delà de ce procès spécifique.
Incertitude sur la demande
Cette histoire comporte toutefois une énigme : Reuters évoque du chiffrement de bout en bout pour les appels téléphoniques, une fonctionnalité que jamais le site communautaire n’a évoqué : certes, il propose du chiffrement de bout en bout depuis 2016 dans Messenger, mais cela ne couvre que les discussions écrites (appelées alors « conversations secrètes ») et l’option n’est pas activée par défaut.
Il existe pourtant du chiffrement de bout en bout pour les appels téléphoniques dans ce que l’on pourrait appeler « l’écosystème Facebook », mais celui-ci se déploie au niveau de WhatsApp, l’une de ses filiales, et non pas dans Messenger. Depuis 2016, ce chiffrement est actif par défaut pour la totalité des activités se passant via l’application. Mais Facebook n’a jamais dit que c’était la même chose pour Messenger.
Cette bizarrerie a été relevée outre-Atlantique : Trevor Timm, le directeur exécutif de l’ONG Freedom of the Press, affiche sa circonspection et dit n’avoir trouvé aucune trace d’une annonce quelconque de Facebook annonçant le chiffrement par défaut et de bout en bout des appels téléphoniques sur Messenger. Même chose du côté du journaliste Zack Whittaker, de TechCrunch, qui s’est heurté au silence du site sur ce sujet.
Il serait étonnant que Facebook, s’il avait effectivement mis en place une telle couche de protection dans Messenger, n’en ait pas fait la promotion, alors que le réseau social est à de nombreuses reprises plongé dans des controverses sur la vie privée. Pourquoi la direction de l’entreprise se priverait-elle d’une bonne couverture médiatique pour redorer son blason.
Sauf à imaginer un éventuel communiqué passé du réseau social sur le sujet, qui serait alors passé totalement inaperçu, il manque de toute évidence une ou deux variables pour comprendre la nature du bras de fer judiciaire entre le département de la justice et le plus important site social au monde.
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