Honnie par l’industrie du disque, qui l’assimile à du piratage pur et simple, la pratique du « stream ripping » va bientôt se retrouver devant les tribunaux français. Selon les informations de l’hebdomadaire Édition Multimédi@, rapportées dans son édition à paraître du 3 septembre, des actions judiciaires ont été lancées contre trois sites web par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP).
L’identité des trois sites n’est pas connue. La société française de gestion des droits des producteurs de musique a, quant à elle, choisi la discrétion sur ce dossier. À nos confrères, le directeur général de la SCPP a déclaré ne pas souhaiter commenter ni communiquer sur ces dossiers en cours, « tant qu’ils ne font pas l’objet de décisions de justice ».
Les sites de stream ripping connaissent depuis quelques années une popularité croissante : ils permettent d’enregistrer sur son ordinateur les contenus diffusés sur les plateformes de streaming, via des sites tiers qui se dédient à cette tâche. L’un des plus connus dans ce domaine était YouTube-MP3, qui a fini par fermer ses portes sous la pression de l’industrie de la musique, après la signature d’un arrangement.
Lui et d’autres plateformes figurent d’ailleurs désormais sur la liste noire annuelle de la RIAA (Recording Industry Association of America), dont la mission est de défendre les intérêts des maisons de disques aux États-Unis. YouTube-MP3 a même figuré parmi la liste des pires sites pirates établie par les autorités américaines fin 2016, l’année où l’action en justice contre le service a eu lieu.
Si le caractère illicite du stream ripping ne souffre d’aucune contestation possible aux yeux de la Fédération internationale de l’industrie phonographique, en témoignent ses publications au cours des deux dernières années (la pratique progresserait chez les jeunes générations, d’après les études qu’elle a menées), cette affirmation est loin d’être partagée par tous.
« Il faut appliquer la loi telle qu’elle existe, et pas selon la façon dont la conçoit une industrie spécifique ».
L’Electronic Frontier Foundation, une ONG s’activant dans la défense des libertés sur le net, estime par exemple que « les sites qui permettent simplement aux utilisateurs d’extraire une piste audio d’une vidéo choisie par leurs soins ne sont pas des sites illégaux et ne sont pas responsables d’une violation du droit d’auteur, à moins qu’ils adoptent des mesures supplémentaires qui entrent dans le cadre de cette définition ».
Elle ajoute : « de nombreuses extractions audio relèvent, selon le droit d’auteur, d’un usage raisonnable. Fournir un service permettant d’extraire des pistes audio à ces fins légales est en soi légal, même si certains utilisateurs violent la loi ». Autrement dit, « il faut appliquer la loi américaine telle qu’elle existe, et pas selon la façon dont la conçoit une industrie spécifique ».
Débat en France
En France aussi, la légalité des sites de stream ripping est un sujet de discussion. Nos confrères indiquent d’ailleurs à ce sujet que « les ayants droit de la musique sont disposés à l’inclure dans le droit à la copie privée comme exception au droit d’auteur ». Une discussion est d’ailleurs en cours au sein de la commission « Musitelli », avec l’aide de la Hadopi et de YouTube, ajoutent-ils.
Le Code de la propriété intellectuelle prévoit des aménagements — qui sont en fait des exceptions au droit d’auteur — autorisant le particulier à réaliser une copie privée d’une œuvre pour son usage propre, sans que les mesures techniques de protection (les « DRM ») ne puissent l’en priver. Ces dispositions sont là pour éviter de conférer au droit d’auteur un caractère absolu, sans tenir compte de l’intérêt du public.
Cependant, la portée de cet aménagement n’est pas claire, puisque la copie privée est elle aussi encadrée : le « ripping » est légal lorsque celui-ci passe par un logiciel à installer sur son PC et à partir duquel la copie du contenu est effectuée. Mais dans le cas d’un site de stream ripping, ce n’est pas clairement tranché puisque dans ce système, il y a désormais un intermédiaire qui existe.
Le site de stream ripping produit en effet une copie à la demande de l’internaute puis lui met à disposition via en lien de téléchargement. Or ici, l’internaute n’est plus le copiste à qui est destiné à la copie, mais le site, puisque c’est lui qui va suivre le lien donné par l’internaute et réaliser le rapatriement et la conversion. Est-ce alors toujours du ripping légal ? Voilà l’une des questions qui se poseront aux tribunaux.
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