Le plan était dans les tuyaux depuis plusieurs mois. Il est maintenant officiel : dans un communiqué publié le 12 septembre, la Commission européenne liste de nouvelles consignes pour obtenir la suppression des contenus en ligne faisant de la propagande terroriste. Des sanctions, potentiellement très lourdes, sont prévues pour les plateformes échouant à se conformer aux nouvelles règles.
La mesure principale vise à réduire le délai d’intervention des réseaux sociaux quand une publication litigieuse est signalée par les pouvoirs publics. Bruxelles souhaite que les sites agissent en une heure maximum après « l’émission d’une injonction de suppression par une autorité nationale compétente ». Cette contrainte temporelle ne s’applique pas aux signalements des particuliers.
Il est aussi exigé la mise en place de points de contact constamment joignables (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24) « pour faciliter le traitement des signalements et des injonctions de suppression ». Ces interfaces devront être installées par les fournisseurs de services d’hébergement et les États membres de l’Union, dans le cadre d’une coopération renforcée.
Les plateformes sont également invitées à « prendre des mesures proactives telles que l’utilisation de nouveaux outils » (comme des filtres de détection, qui sont déjà en train d’être créés) pour contrer les utilisations abusives à visée terroriste. Ces actions devront être mises en œuvre selon le risque de diffusion de contenus à caractère terroriste via leurs plateformes. Il s’agit, explique Bruxelles, d’imposer une « obligation de vigilance ».
Une définition du contenu terroriste
Au passage, le projet de règlement, qui sera donc d’application directe dans toute l’Union européenne en cas d’adoption, entend apporter une définition de ce qu’est un contenu à caractère terroriste. Une définition que Bruxelles promet d’être « claire ». Elle sera en tout cas commune à l’ensemble des pays membres et ne pourra pas être ajustée d’un pays à l’autre, avec les risques d’interprétations différentes.
Selon la Commission, un contenu tombe dans cette définition s’il incite ou encourage à commettre des infractions terroristes, promeut les activités d’un groupe terroriste ou fournir des instructions techniques sur la manière de commettre une infraction terroriste. Il reste maintenant à savoir ce qui relève d’une telle infraction et si cela ne va pas aboutir à des excès, comme le délit d’apologie du terrorisme l’a montré.
Des sanctions financières pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires
En cas de violation de ces nouvelles règles, la Commission européenne se ménage la possibilité de frapper très fort puisqu’il est question d’infliger au fournisseur de services d’hébergement fautif une sanction financière allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires global de l’exercice précédent. Mais ce cas de figure ne surviendrait qu’en cas d’omission systématique aux injonctions de suppression.
Enfin, le texte aura une portée globale, comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD). En clair, à partir du moment où une plateforme en ligne propose ses services dans l’Union européenne, elle devra tenir compte de ces dispositions. Si elle ne le veut pas, il lui faudra alors prendre des mesures techniques pour empêcher les internautes du Vieux Continent de l’atteindre.
La présentation du projet de règlement a immédiatement provoqué une levée de boucliers, que ce soit au niveau du Parlement européen — à l’image de la prise de parole de Julia Reda, une eurodéputée membre du groupe Groupe des Verts/Alliance libre européenne, et élue sur une liste du Parti pirate — que de la société civile, avec la fondation Mozilla, qui craint pour la santé du net en Europe.
De son côté, la Quadrature du Net dénonce un programme qui « banalise la censure policière ou privée et donc le contournement de la justice. Il fait des filtres automatiques — justement au cœur du débat sur la directive droit d’auteur — la clé des politiques de censure à l’ère numérique ». Le jugeant « contre-productif » et « inutile », l’association juge qu’elle nuira aux libertés fondamentales en ligne.
Comme le note Le Monde, le texte ne s’intéresse pas qu’aux géants : tous les services qui servent à publier du contenu (texte, vidéo, son, image) sont visés. Sont donc inclus les poids lourds, mais aussi les sites de stockage d’images ou de textes ayant une moindre envergure. Cet aspect est dénoncé par Julia Reda, qui analyse que cela concerne tout le monde, même le plus petit des sites d’hébergement.
Rappelons que le délai d’intervention pour retirer les contenus identifiés comme faisant l’apologie du terrorisme est de 24 heures à l’heure actuelle. Celui-ci a été fixé en mai 2016, au moment où la Commission a imposé un « code de conduite » aux géants du net pour qu’ils forment du personnel dédié afin « que la majorité des signalements valides puissent être examinés en moins de 24 heures ».
Mais ce délai est déjà difficile à tenir.
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