Numerama a suivi le procès de B. L., « agent » de Youtubeurs et community manager, ce 23 septembre 2018. Il a été reconnu coupable d’atteinte sexuelle aggravée sur mineur de moins de quinze ans. Mais il pourrait ne pas faire de prison.

Cet article a été modifié à la suite d’une demande dite de « droit à l’oubli » sur la base de l’article 17 du RGPD. Après avoir étudié cette demande, Numerama a procédé à l’anonymisation du requérant.

Son placement en détention en 2016 avait fait du bruit dans le petit univers du Youtube français. B. L., impresario de Youtubeurs et figure historique de la blogosphère parisienne, a été condamné ce lundi 24 septembre à 20 mois de prison ferme pour atteinte sexuelle aggravée sur mineur de moins de quinze ans, corruption de ce mineur et de neuf autres, ainsi que détention et diffusion d’images pédopornographiques.

Il a été relaxé dans une autre affaire d’atteinte sexuelle sur mineur. B. L. est sorti libre du tribunal.

Un parcours judiciaire très chargé

De nombreuses rumeurs, dans le milieu des blogueurs et vidéastes parisiens, évoquaient des relations entre B. L. et des jeunes hommes. Jusqu’à ce que huit personnes, des youtubeurs et leurs proches, constituent en 2016 un dossier de « dénonciation de faits pouvant constituer une infraction pénale », comme l’explique une enquête de BuzzFeed News.

Il n’était pas question de ce dossier dans le procès de lundi, ni du rôle qu’a pu ou non jouer sa profession dans les contacts pris avec des adolescents. On a toutefois compris à l’audience que les rumeurs étaient loin d’être infondées.

Au début de l’audience, la présidente a égrené le parcours judiciaire du prévenu :

  • Une première condamnation à dix mois de prison avec sursis en 2010, pour détention d’images pédopornographiques, concluant une enquête ouverte par la brigade des mineurs de Nanterre en 2007.
  • Puis, une autre enquête ouverte, en décembre 2013, pour des faits d’atteinte sexuelle sur F., un mineur âgé de 13 ans au moment des faits. Le père avait alerté les autorités, contre la volonté de son fils. Aujourd’hui comme lors de sa garde à vue, B. L. reconnaît avoir eu plusieurs relations sexuelles avec F. mais assure qu’il ne connaissait pas son âge à l’époque. Il est relaxé pour cette affaire.

Alors que l’enquête de 2013 n’est pas finie, B. L. est placé en détention provisoire à Bayonne en octobre 2014. Il s’était rendu à Biarritz pour rencontrer un ado de 15 ans, dont le père, lui-même gendarme, a alerté les autorités. Lors de la garde à vue, on trouve sur son téléphone de nouvelles images pédopornographiques, qui provoquent son placement en détention provisoire. Un couac dans la procédure fait que le tribunal parisien ne connaît pas l’issue de cette affaire.

Il recyclait des vidéos pédopornographiques sur Skype

La présidente énumère ensuite les faits de corruption de mineurs, qui se sentent plus ou moins victimes de B. L. Souvent, note la présidente, est impliqué le site de rencontres za-gay, destiné aux jeunes LGBT.

  • Il y prend contact avec U., 14 ans au moment des faits en 2014. La présidente lit les dépositions : «J’ai mis que j’avais 15 ans pour le site mais j’ai précisé sur le profil que j’en avais 14.» Il lui demande des photos de nus.
  • Un autre ado avec qui il tient des séances de masturbation mutuelle via Skype.
  • Encore un autre, âgé de 15 ans au moment des faits en 2014, qui dit ne pas s’estimer victime: « Nos communications se sont arrêtées vite car il parlait trop de sexe. »

10 victimes en tout.

Capture d'écran du site za-gay // Source : Le site za-gay
Capture d’écran du site za-gay // Source : Capture d’écran Numerama

Quelques fois, indique la présidente, B. L. utilisait pour dissimuler son âge des vidéos pédopornographiques. Grâce à un logiciel, Manycam, il diffusait ces vidéos à la place de sa webcam lors de conversations Skype. Ses interlocuteurs, voyant un adolescent s’adonnant à des pratiques sexuelles, pensaient ainsi que B. L. avait à peu près leur âge. Le parquet relève d’ailleurs la quantité astronomique de photos pédopornographiques saisies sur les disques durs et clés USB du blogueur: 22 551 photos et des centaines de vidéos.

Parmi les 10 mineurs, seuls deux se sont constitués partie civile. Il y a W., qui ne s’est pas présenté à l’audience et qui demande 15 000 € de dommages et intérêts.

Et aussi V., seul présent à l’audience, âgé d’à peine 13 ans au moment des faits. Il s’agit de l’affaire la plus récente, et de celle qui a eu pour conséquence le placement en détention provisoire de B. L. en novembre 2016.

« C’est un gamin de 13 ans »

B. L. contacte V. sur Twitter le jour de ses 13 ans, en juin 2016. Il lui souhaite un bon anniversaire, puisque le profil de V. affichait son jour et son mois de naissance. Lors de leurs discussions, V. dit néanmoins avoir 14 ans. B. L., lui, se présente comme un homme d’une vingtaine d’années alors qu’il a 31 ans à l’époque. Ils communiquent à plusieurs reprises, avant que V. n’accepte un rendez-vous à la Gare Saint-Lazare. Lors de son rendez-vous, B. L. l’emmène chez lui. À plusieurs reprises, raconte la juge, ils auront des relations sexuelles, des caresses ou des fellations données par le prévenu. « C’est un gamin de 13 ans », s’écrie, excédée, la présidente. « Il m’a dit qu’il avait 14 ans le lendemain », répond B. L.. « Ça reste moins de 15 », fait remarquer la juge.

V. faisant sa rentrée en classe de 4e, c’est le collège qui donne l’alerte. « Il s’est passé des choses graves pendant l’été », dit-il à une surveillante. La mère présente au tribunal, explique avoir été dans un état de sidération: « J’ai culpabilisé de pas avoir réussi à détecter ce qu’il s’était passé et de pas réussir à le protéger. » C’est pour cette affaire que B. L. a été condamné pour atteinte sexuelle aggravée sur mineur de moins de quinze ans.

Me Richard Sebban, avocat de V., décide dans sa plaidoirie de revenir sur les activités de B. L. après avoir été libéré, en 2017, de sa détention provisoire. Il mentionne un blog, que B. L. reconnaît avoir créé après sa libération. Il y livre sa version (parfois romancée) de l’affaire. Sur son compte Twitter, il se vante d’avoir manqué son contrôle judiciaire en décembre 2017. « Dès 2014, il dit aux enquêteurs avoir pris conscience de la gravité de certains actes. Lorsque vous mettez ça en adéquation avec ce qui est écrit sur son blog, vous pouvez vous interroger sur la bonne foi de B. L. », plaide l’avocat des parties civiles.

"Journal d'un délinquant anonyme" // Source : Capture d'écran
« Journal d’un délinquant anonyme » // Source : Capture d’écran

Il a été aussi question du compte « A. M. », que le prévenu présente comme son « compte d’auteur ». Ce compte a suivi V. en 2017. L’ado, curieux, a envoyé un DM à A. M., sans savoir que B. L. se cachait derrière le pseudo. Ce dernier lui répondant, il violait ainsi son contrôle judiciaire, puisqu’il avait l’interdiction de parler à V.

Diverses expertises psychologiques menées en 2013, 2014 et 2016, évoquent chez B. L. un « trouble du narcissisme », « un sujet adulte qui est resté fixé à un registre infantile ». La procureur, elle, parle d’une « empathie peut-être pas encore acquise », notant : « Je l’ai vu pleurer à deux ou trois reprises, c’est quand on a évoqué sa situation», notamment professionnelle.

Condamné à une peine aménageable, il sort du tribunal libre

Un « raccourci extrêmement simpliste » pour l’avocat de B. L.. « C’est tout sauf un cynique. Tout sauf un harceleur », affirme-t-il au tribunal. Qui semble l’avoir entendu, puisque B. L. est condamné à une peine aménageable. Il est même possible qu’il ne fasse pas plus de prison que ce qu’il n’a déjà fait. Ayant déjà accumulé presque un an de détention provisoire, les huit mois restants pourront être aménagés selon ce que décide le juge d’application des peines. « C’était un minimum par rapport à la gravité des faits », indique la présidente du tribunal en guise d’avertissement.

Il a également été condamné à 3 ans de suivi socio-judiciaire, l’interdiction de contacter les victimes ou de publier des ouvrages au sujet des faits qui lui sont reprochés (comme son blog). S’il ne respecte pas ses interdictions, il risque un an d’emprisonnement. Il doit aussi payer 8 000 euros de dommages et intérêts à la mère de V., sa représentante légale, ainsi que 300 euros à W..

David Castel et Richard Sebban, les avocats de V., n’ont pas souhaité faire de commentaire « avant que la décision soit définitive ». Au tribunal correctionnel, les parties disposent de 10 jours pour faire appel.

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