La Hadopi doit changer. C’est l’objectif que martèle depuis des mois la ministre de la Culture et de la Communication, Françoise Nyssen. Elle doit être transformée, car la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet n’est plus tout à fait en mesure de remplir pleinement à sa mission première, à savoir la lutte contre le piratage. Les pratiques des internautes ont évolué.
Et cela tombe bien, un rapport rédigé par Aurore Bergé, députée Yvelines et membre de La République en marche, vient donner des billes aux partisans d’une réforme de l’instance administrative indépendante. Ce rapport, qui traite plus généralement de la nécessité d’une « nouvelle régulation de l’audiovisuel à l’ère numérique », consacre en effet une large place à Hadopi. Et donc, au piratage.
Fusion avec le CSA, amendes
Sur les 40 propositions que compte le rapport, 11 portent spécifiquement sur cette thématique. Ces propositions ne contiennent pas nécessairement de nouvelles idées : elles reprennent parfois d’anciennes pistes — qui sont d’ailleurs actuellement envisagées par le gouvernement — qui n’ont pas été concrétisées lors du précédent quinquennat.
C’est ainsi que la 9ème proposition suggère une fusion de la Hadopi avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), « pour créer une autorité unique de régulation des contenus audiovisuels ». L’idée d’une fusion entre les deux instances, ou du transfert des compétences de l’une à l’autre, est évoquée depuis des années, mais cette perspective a été écartée en 2015.
C’est la même chose pour la 1ère proposition, consistant à « doter la Hadopi d’un pouvoir de transaction pénale dans le cadre de la procédure de riposte graduée ». En clair, il s’agit de pouvoir permettre à la Haute Autorité de prononcer des amendes administratives à l’encontre des internautes pris en train de pirater des œuvres sur le net. C’est aussi un vieux sujet, qui n’est jamais devenu réalité.
L’actualisation des décisions de justice contre les sites pirates, afin de neutraliser les petits malins qui peuvent chercher à les contourner par des sites miroirs et divers subterfuges, est aussi mentionnée par Aurore Bergé, dans deux propositions. L’une d’elles concerne la Hadopi, en lui donnant des prérogatives : c’est justement ce que l’institution réclame, en témoigne son rapport d’activité 2016-2017.
Des pouvoirs additionnels
La première proposition consiste à permettre au président de la Hadopi de solliciter le tribunal de grande instance de Paris pour qu’il actualise les jugements contre les sites pirates, afin de tenir compte des sites miroirs et de contournement. La seconde vise à « consacrer, dans la loi, l’intervention du juge des référés » (pour obtenir des résultats provisoires et rapides) pour la même raison.
Le rapport poursuit dans une logique d’extension des capacités de la Hadopi, avec le « pouvoir de caractérisation des sites massivement contrefaisants » (proposition n°4). En la matière, Françoise Nyssen a demandé ce printemps à la Hadopi de dresser une liste noire des sites pirates. Cette liste doit servir aux entreprises tierces (annonceurs, services de paiement et moteurs de recherche) pour éviter de traiter avec eux.
La rapporteure soutient par ailleurs la création « d’un dispositif spécifique permettant de bloquer temporairement, dans des délais extrêmement brefs, l’accès aux pages de sites diffusant sans autorisation des contenus en live streaming » (c’est-à-dire de programmes TV, notamment sportifs), et une « meilleure coopération des acteurs d’Internet pour permettre aux ayants droit de contrôler les contenus hébergés et labelliser de façon visible les contenus et les sites respectueux du droit d’auteur ».
À ces prérogatives est ajouté un volet dit pédagogique, à deux niveaux : le premier doit être une campagne nationale sur les pratiques illicites concernant les oeuvres sur Internet, « avec une obligation de coopération des acteurs numériques » (proposition n°3), et une sensibilisation des personnes concernées par la riposte graduée, afin de leur expliquer les atteintes aux droits d’auteur et ce que ça engendre (proposition n°2).
« Pouvoir bloquer temporairement, dans des délais extrêmement brefs, l’accès aux pages diffusant sans autorisation des contenus en live streaming »
Les deux dernières propositions (10 et 11) visent d’une part à « confier des pouvoirs de médiation au futur régulateur des contenus audiovisuels » et d’autre part à « évaluer annuellement l’action du régulateur dans le cadre des pouvoirs de contrôle et d’évaluation du Parlement ». L’ensemble de ces propositions a été présenté le 4 octobre à l’Assemblée nationale.
« Aller au bout de la logique »
Pour la députée, qui reprend à son compte les montants estimés du cabinet EY, qui évoque un « manque à gagner lié à la consommation illégale de contenus audiovisuels en France a minima à 1,35 milliard d’euros sur un an », « le piratage représente des pertes économiques de 1,2 milliard d’euros. Il fragilise les auteurs, les diffuseurs, les producteurs et les distributeurs ».
La parlementaire admet que les mesures qu’elle propose ne vont pas vraiment la rendre populaire, mais elle assure que c’est nécessaire. « Il est temps d’aller au bout de la logique de la riposte graduée et de doter la Hadopi de nouvelles compétences pour lutter plus efficacement » contre le piratage, écrit-elle dans un communiqué. Rien, en revanche, n’est avancé sur un assouplissement du droit d’auteur.
Et d’en finir par la même occasion par ces « années d’immobilisme et d’atermoiement » sur la Hadopi, en prenant « des mesures fortes pour lutter plus efficacement contre le piratage » afin d’en finir avec « des pratiques délétères pour la création et les créateurs ». Assurément du petit lait pour les ayants droit. Il reste à voir quelles seront les suites qui seront données à ce travail.
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