C’est un passage assez court dans le discours de Mike Pence, mais c’est un extrait qui veut dire beaucoup. Lors d’un discours prononcé devant les membres du think tank Hudson Institute, qui portait sur l’attitude qu’entend avoir l’administration Trump vis-à-vis de la Chine, le vice-président des États-Unis s’est mêlé de l’affaire Dragonfly, un projet qui met Google dans l’embarras.
Dragonfly ?
Rappel des faits. Dragonfly (qui signifie libellule en anglais) est un nom de code désignant un programme top secret chez Google. Il s’agit de construire un moteur de recherche spécifique au marché chinois et qui satisfait les exigences de censure du pouvoir central. Les révélations sur Dragonfly, survenues au cours de l’été, ont suscité une levée de boucliers chez les associations, mais aussi en interne.
Le dossier a pris une telle ampleur qu’elle a conduit Sundar Pichai, le PDG de Google, à prendre la parole pour déminer le sujet. Mi-août, il a déclaré à ses employés que Dragonfly n’est qu’une réflexion « exploratoire » et que la firme n’est « pas près de lancer un produit de recherche en Chine ». D’aucuns ont noté qu’à aucun moment un engagement clair n’a été pris à éviter la Chine tant que la censure est effective.
D’ailleurs, la direction de l’entreprise américaine a poursuivi la réflexion en faisant remarquer que la mission qu’elle s’est attribuée « est d’organiser l’information du monde ». Or, a-t-il été ajouté, « la Chine représente un cinquième de la population mondiale ». Dès lors, « je pense que nous devons réfléchir sérieusement à la façon de faire davantage en Chine ».
La Chine n’en vaut pas la peine
Pour le colistier de Donald Trump, Google ne peut pas avoir comme seule boussole la recherche de profits. Il invite en creux les dirigeants de la firme de Mountain View à faire comme nombre d’autres chefs d’entreprise qui, affirme-t-il, sont de plus en plus nombreux à se demander si l’accès au marché chinois, aussi lucratif soit-il, est une si bonne idée que cela à moyen et long terme.
Mike Pence déclare « qu’un nouveau consensus est en train d’émerger dans toute l’Amérique » : ils seraient de plus en plus nombreux à regarder au-delà du prochain résultat trimestriel, et à tenir compte d’autres soucis — qu’il s’agisse du renoncement de la propriété intellectuelle via les transferts de technologie forcés ou d’une complicité active ou passive avec la politique répressive de Pékin.
« Aujourd’hui, la Chine s’est dotée d’un système de surveillance sans précédent, qui devient de plus en plus étendu et intrusif — souvent avec l’aide de la technologie américaine. Ce qu’ils appellent le ‘Grand Firewall de Chine’ s’élève également [dans l’espace numérique], restreignant considérablement la libre-circulation de l’information vers le peuple chinois », déplore-t-il.
La Maison-Blanche s’en mêle
Dans ce contexte, le vice-président estime que le géant de la recherche sur le web « devrait immédiatement mettre fin au développement de l’application Dragonfly qui renforcera la censure du Parti communiste et compromettra la vie privée des clients chinois ». Et de faire remarquer que le développement de la surveillance dans l’Empire du Milieu s’est fait, hélas, en partie avec de la technologie américaine.
Les remarques de Mike Pence sur Google s’inscrivent dans un contexte particulier,
Les États-Unis et la Chine connaissant depuis l’élection de Donald Trump une rapide et notable dégradation de leurs relations. L’aspect le plus saillant est la guerre commerciale en cours entre les deux nations, mais il y a aussi les allégations selon lesquelles la Chine se livrerait à une ingérence d’un niveau exceptionnel dans les affaires politiques internes de l’Amérique. Ce que la Chine, évidemment, dément.
En parallèle, il y a aussi les rapports tumultueux entre Washington et la Silicon Valley, qui n’est pas majoritairement favorable à la politique de Donald Trump. L’affaire des migrants est l’un des aspects de ces frictions.
Mais dans le cas plus spécifique de Google, puisque la société a été nommément citée, il y a une rumeur de possible biais politique qui a alimenté la défiance de la Maison-Blanche à son égard. Donald Trump a accusé Google de changer les résultats de recherche pour masquer les médias conservateurs — Google étant le principal outil de recherche outre-Atlantique, comme dans beaucoup de pays occidentaux. Une vidéo sortie par Breitbart, un site d’extrême droite, a alimenté cette théorie, mais rien dans celle-ci n’accrédite cette thèse (Google a d’ailleurs démenti). Elle montre par contre que Google n’est pas ravi de l’élection de Trump.
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