À deux jours de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes et des filles, qui aura lieu le 25 novembre, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) publie un rapport. Y sont dévoilé les premiers résultats d’une enquête menée à propos du cyberharcèlement des femmes journalistes dans le monde. 64 % de celles qui ont répondu au questionnaire du FIJ – on ignore combien elles étaient – ont raconté l’avoir déjà subi.
Des violences qui ne font que croître
Le harcèlement en ligne, comme le rappelle le FIJ, peut prendre différentes formes : des insultes, des menaces, des intimidations, mais aussi des usurpations de comptes, ou l’envoi de photos à caractère sexuel non désirées.
Parmi les journalistes qui ont subi de telles violences, 47 % disent ne pas avoir signalé les faits. Lorsqu’elles l’ont fait, c’était souvent auprès de leur hiérarchie, dans 40 % des cas. 63 % d’entre elles admettent pourtant avoir subi d’importants effets psychologiques, notamment de l’anxiété. 38 % disent avoir fait attention par la suite à ce qu’elles disaient ou postaient dans une forme d’autocensure. Enfin, 8 % ont perdu leur emploi.
Les chiffres sont en augmentation depuis l’année dernière. Un précédent rapport du FIJ, publié en 2017, parlait de 43 % des journalistes femmes cyberharcelées.
Selon la coprésidente du CCG (Conseil du genre) au sein de la FIJ, Mindy, Ran, ces nouveaux chiffres « mettent en exergue une forme de violence genrée contre les femmes journalistes qui ne cesse de s’accroître ». « Les plateformes numériques, bastion des lâches et agresseurs, encouragent en effet la facilité, l’impunité et l’anonymat des agressions, en permettant à leurs auteurs de se cacher. Notre enquête (…) souligne également la grande déconnexion entre l’expérience et l’action, l’absence de mécanisme de soutien et de législation, et l’échec à réellement mettre en place les traités internationaux et normes du travail existant. Il est clair que nous échouons à protéger nos consœurs », a-t-elle ajouté.
De son côté, le président de la FIJ Philippe Leruth s’est dit inquiet « du fait que beaucoup de nos collègues journalistes féminines ont décrit une forme de passivité de la part de leurs collègues, quand elles faisaient face au cyberharcèlement ».
« Ma tête vissée sur un corps nu de cadavre »
La FIJ a publié, en plus du rapport, une série de témoignages sous le hashtag #DontTroll. On y trouve par exemple l’histoire de Julie Hainaut, une journaliste française, insultée, menacée de viol et de mort parce qu’elle avait rapporté « les propos choquants de propriétaires d’un bar sur l’époque coloniale ». « Pendant cette période, j’ai peu dormi, j’avais peur, mon téléphone ne cessait de sonner. Mais j’ai continué à piger en même temps, j’avais des articles à rendre, des deadlines à tenir. Je suis free-lance et je n’avais pas d’autre choix », raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle dit mener son combat « seule », avec son avocat, et avec son propre argent. Elle est pour autant « déterminée à aller au bout ».
Myriam Leroy, journaliste indépendante et auteure belge, a connu ce même « torrent » d’insultes il y a quelques années. Un « raid » d’une violence extrême, suite à une chronique sur Dieudonné. « La suite des événements : des insultes et des menaces de viol par milliers, des menaces de mort par centaines. Le tout, toujours, à connotation sexuelle. Des photomontages de mon visage couvert de sperme et d’ecchymoses, ma tête vissée sur un corps nu de cadavre », témoigne la journaliste, qui est longtemps sortie déguisée, et accompagnée d’un agent de sécurité. « La vérité c’est que j’étais terrorisée », admet celle qui n’a pas reçu de soutien de la part de ses supérieurs.
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