Qu’il est loin le temps où Facebook n’était qu’un banal réseau social universitaire, connu seulement que d’une poignée d’élèves aux États-Unis. Aujourd’hui, le site communautaire évolue dans une toute autre dimension avec ses deux milliards de membres. Sauf que le poids que l’entreprise a pris en bientôt quinze ans est si massif qu’il en est devenu une vive source d’inquiétude.
C’est le cas de BBC, l’intéressé a fait part de ses craintes concernant les potentiels effet néfastes de Facebook sur la démocratie.
. Ce fonctionnaire britannique connaît bien son sujet. Officier dans le domaine du renseignement, il a dirigé de 2014 à 2017 le Government Communications Headquarters (GCHQ), l’équivalent de la NSA au Royaume-Uni. Lors d’une interview accordée à laQuête du profit
« Ces grandes entreprises, en particulier là où il y a des monopoles, ne peuvent franchement pas se réformer. Il faudra que ça vienne de l’extérieur », a-t-il déclaré. Pour cet ancien patron des services de renseignements électroniques, Facebook doit y être contraint par le législateur, afin de saisir à bras-le-corps un certain nombre de problèmes qui sapent les fondations des sociétés, notamment occidentales.
Pour soutenir son propos, Robert Hannigan a notamment évoqué les 250 pages de documents confidentiels appartenant à Facebook que le parlement britannique a fait saisir et publier, au nom de l’intérêt du public. Ceux-ci révèlent un peu plus les pratiques du site communautaire en matière d’exploitation des données et ses manœuvres pour rester de loin l’acteur dominant du marché.
Robert Hannigan considère ainsi que Facebook est plus accaparé par la recherche du profit en exploitation les données de ses membres que par le souci de protéger leur vie privée : « en échange du service que vous trouvez utile, ils prennent vos données… et en tirent chaque goutte de profit ». Les récentes affaires, comme le scandale de Cambridge Analytica ou le piratage du site, soutiennent cette impression.
« Ce n’est pas une sorte d’association caritative qui offre des services gratuits. Il s’agit d’une entreprise internationale à la tête très dure et ces grandes sociétés de technologie sont essentiellement les plus grands annonceurs mondiaux, c’est là qu’elles se font des milliards », continue ainsi l’ancien responsable de l’un services britanniques les plus en pointe sur les questions du numérique et du cyber.
Influences étrangères et fake news
La problématique de la vie privée sur Facebook n’est toutefois qu’une facette des enjeux que le site communautaire pose, par ses activités propres ou parce qu’il est devenu un vecteur d’influence. Robert Hannigan n’en parle pas, mais la plateforme est aussi pointée du doigt pour son manque de réactivité face à la propagation de fausses nouvelles sur ses pages et les opérations d’influence étatiques qui s’y déroulent.
Depuis l’élection de Donald Trump en 2016, ces questions sont récurrentes, accentuées par le problème des bulles de filtrage : celles-ci décrivent une situation dans laquelle un internaute est enfermé dans un espace numérique conforme à ses préjugés, à cause des algorithmes de recommandation, ce qui ne peut qu’avoir pour effet de conforter son biais de confirmation, et ainsi fausser sa représentation du monde.
Or, ce souci est crucial quand la population qui est amenée à prendre part aux scrutins s’informe essentiellement sur les réseaux sociaux (c’est le cas par exemple des deux tiers des Américains). Facebook a fini par prendre la mesure de l’enjeu et procédé à du nettoyage (notamment avant des élections-clés). Le site essaie aussi de trouver un moyen d’atténuer les bulles de filtrage.
Bien sûr, les médias traditionnels et fiables se trouvent sur Facebook, mais ils sont aujourd’hui concurrencés par des plateformes d’opinion voire de désinformation — dont certaines sont pilotées par des puissances étrangères — et il n’est pas toujours aisé de faire le distinguo entre chaque source, pour les raisons évoquées ci-dessus. Comment en effet percer de soi-même sa bulle de filtrage ?
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