3 heures après son lancement, Le Vrai Débat avait déjà été consulté plus de 2 300 fois. Ce site inauguré mercredi 30 janvier par des membres du mouvement des Gilets Jaunes permet à n’importe quel citoyen d’exprimer ses revendications politiques. Elles seront triées, puis transmises à des personnalités ou instances politiques. L’objectif est de se faire entendre par le gouvernement, dont la plateforme officielle de consultation populaire Le Grand Débat suscite de vives critiques.
Plus de 800 revendications en une journée
Au téléphone, Lydie Coulon, l’une des administratrices régionales du site, se dit ravie du démarrage. « Ça commence très très fort », dit-elle. Malgré un petit bug d’une heure qui a nécessité un redémarrage du site, Le Vrai Débat est déjà plein de propositions.
Celles-ci sont rangées par thématiques. Il y a par exemple les sujets autour du sport et de la culture, ceux sur l’éducation, la santé et le handicap, la transition écologique ou l’Europe.
On compte au total un peu plus de 800 revendications, déposées par des internautes anonymes. Le thème « économie, finances, travail et compte public » et ses 244 contributions est le plus plébiscité pour le moment. L’Europe, les Affaires étrangères et l’Outre-mer ne semblent en revanche guère inspirer.
Limiter les tirs de flash-ball, interdire la vaisselle en plastique
Les propositions sont très diverses. Quelques internautes tentent un trait d’humour, comme « dudu » qui propose de renommer le dimanche « Gromanche » pour apporter un « vent nouveau » dans nos vies.
Outre ces quelques blagues, les messages publiés sont sérieux. Certains internautes militent par exemple pour la fin de l’arme nucléaire, l’interdiction de la vente de vaisselle en plastique, la gratuité des transports en commun, ou encore la réduction du temps de jugement des affaires à caractère économique ou financier.
Des propositions font directement écho à l’actualité et au mouvement des Gilets Jaunes. Un certain Leo demande ainsi l’interdiction des tirs de flash-ball lors des manifestations. Selon lui, les risques de « mal viser » durant ce type d’événements sont trop importants. Durant les manifestations des Gilets Jaunes, plusieurs personnes ont été gravement blessées par des tirs de flash-ball.
Leo souhaiterait aussi que les policiers portent sur leur uniforme un matricule permettant de les identifier. En réalité, ce matricule est déjà obligatoire pour les policiers et les gendarmes, sauf si la situation l’exige (en cas de mission sous couverture par exemple) — mais il arrive que certains refusent de le donner pendant les manifestations musclées.
Le vote du public
Toute personne inscrite sur le site Le Vrai Débat peut voter pour ou contre une proposition, et donner son avis en commentaire. À la fin, ne seront sélectionnées que celles qui ont obtenu le plus de soutiens.
Techniquement, n’importe quelle proposition peut donc se démarquer, y compris celles qui semblent difficiles voire impossibles à mettre en place… ou celles qui s’appuient sur de fausses informations.
Des internautes voient Le Vrai Débat comme un exutoire, et n’hésitent pas à lister tout ce qu’ils souhaiteraient changer en France. Sous le pseudonyme « cheznous », une personne préconise ainsi de mettre fin à l’immigration légale et à la 5ème République et de « supprimer » le Président au profit d’un régime parlementaire, ou encore d’établir des statistiques ethniques (ce que la loi Informatique et Libertés interdit).
Un autre anonyme aimerait relancer le débat sur les ondes électromagnétiques dont la dangerosité, dit-il, n’est plus à prouver. Or justement, celle-ci n’est pas avérée scientifiquement pour le moment.
La Charte de la plateforme indique qu’il ne faut publier « aucune information volontairement erronée, tronquée ou hors sujet », des contenus « offensants ou contraires à la loi », mais que toutes les opinions sont les bienvenues.
Le retour à une « démocratie participative » ?
Lydie Coulon ne se dit pas « inquiète » au sujet de ce type de propositions. « Je crois en les citoyens et à la force de la démocratie participative, dit-elle à Numerama. Les internautes voteront pour les meilleures propositions et les autres perdront du coup en visibilité, le tri va se faire tout seul. »
Selon elle, chacun, que ce soit les administrateurs de la plateforme (ils sont plusieurs dizaines en tout et quiconque peut demander à les rejoindre) ou les inscrits, est « légitime ». « Ce qui fait notre légitimité, c’est que nous sommes des gens normaux, ajoute la membre du mouvement Gilets Jaunes, et que notre plateforme est incontestable dans son mode de fonctionnement. »
Pour mettre en place la plateforme, les fondateurs du Vrai Débat ont travaillé avec des startups spécialisées dans le domaine de la « civic-tech ». Le site repose sur des documents rendus publics par la Commission nationale du débat public. Il a été créé avec la même technologie que la plateforme du gouvernement : un outil développé par la société Cap Collectif.
Elle est cependant selon Lydie Coulon mieux construite que Le Grand Débat, lancée le 15 janvier. « Leur plateforme, c’est du grand n’importe quoi, de l’enfumage », assure l’administratrice.
Le Grand Débat décrit comme un « Grand enfumage »
Comme beaucoup d’internautes, elle lui reproche son aspect « fermé » et ses airs de « QCM » (questionnaire à choix multiples).
Sur le site du Grand Débat, les citoyens peuvent s’exprimer sur quatre grands thèmes : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique et le volet démocratie et citoyenneté. Après quelques rappels sur la situation actuelle en France et les enjeux, des questions sont posées. Certaines sont ouvertes, d’autres sont effectivement à choix multiple.
Des économistes ont critiqué le site. Selon eux, rapporte Le Monde, les explications données avant les questions sont orientées. Chantal Jouanno, ancienne ministre, devait garantir la transparence de la plateforme. Elle a préféré abandonner cette mission car Le Grand Débat ne respectait pas selon elle les règles établies par la Commission nationale du débat public.
Lydie Coulon regrette aussi le fait de devoir donner son avis « sur tout ». « Parfois on ne sait juste pas quoi répondre parce que ce ne sont pas des sujets sur lesquels on s’y connaît », déplore la militante.
Enfin, des Gilets Jaunes craignent sur le site du Grand Débat ne soit utilisé pour collecter des données personnelles. Ce type d’inquiétudes vise aussi d’autres plateformes comme Facebook, qui a régulièrement été accusé de censure.
Le calendrier du Vrai Débat est, à quelques jours près, le même que celui du Grand Débat. Les internautes auront jusqu’au 3 mars pour publier en ligne leurs recommandations, en suivant le mode d’emploi. Elles seront ensuite synthétisées, hiérarchisées. Des conférences citoyennes délibératives seront organisées. Les synthèses finales seront mises à disposition des citoyens qui pourront les soumettre à qui ils le souhaitent : des maires, députés, ou encore la Cour européenne des droits de l’Homme. « Contrairement au Grand Débat, avec Le Vrai Débat, nous avons une vraie finalité, de vrais objectifs », conclut Lydie Coulon.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez-nous sur WhatsApp !