Le gouvernement a officialisé l’expérimentation son Pass Culture, vendredi 1er février 2019, dans cinq départements français : le Finistère, l’Hérault, le Bas-Rhin, la Seine-Saint-Denis, la Guyane. Environ 10 000 étudiants de plus de 18 ans sont concernés : ils pourront obtenir une enveloppe de 500 euros pour l’acquisition de biens et services culturels proposés pour l’instant par 900 « offreurs ».
Le ministère de la Culture insiste sur la dimension expérimentale du projet, qui se décline sous forme d’une application mobile : « Ce dispositif d’expérimentation inédit n’est donc pas figé et nous le revendiquons », affirme le ministre Franck Riester dans le dossier de presse. « Tout au long du processus, nous partagerons toutes les évolutions du système, de la recommandation à son mode de financement en passant par l’implication des partenaires et, à l’issue, nous réaliserons une évaluation. »
Un site encore en construction
La première notion importante à connaître concerne les acteurs culturels pris en compte dans le Pass Culture. Les conditions de l’expérimentation sont claires : il faut que le service ou le bien soit proposé par une « structure publique ou privée, présente en France métropolitaine ou en outre-mer ». Ce qui exclut d’office tous les services européens ou américains comme Spotify ou Netflix, ou même un recours à la plateforme Amazon.
Les jeunes Français et Françaises concernés doivent s’inscrire sur le site du Pass Culture et télécharger l’application mobile. Celle-ci a été designée pour se trouver à la frontière entre une appli de culture et une appli de rencontre, qui se veut volontairement « chaotique » pour, officiellement, permettre aux jeunes « d’ouvrir leurs horizons » — mais qui est également une bonne astuce pour balayer les critiques qui souligneraient un manque d’organisation dans ce système qui balaie très large et demande une structure monumentale.
On retrouve des indices de cette période de tâtonnement sur le site du Pass Culture lui-même, auxquelles les Conditions Générales d’Utilisation (CGU), pourtant essentielles, n’ont pas encore été intégrées, que ce soient pour les utilisateurs comme pour les acteurs culturels souhaitant proposer leurs services.
On fait le point sur ce qui entre, ou non, dans ce Pass Culture de 500 euros.
Les sorties culturelles
Les activités culturelles sont largement plébiscitées par le ministère et le gouvernement, comme le montre bien la répartition du budget offert à chaque personne de plus de 18 ans.
En effet, le Pass peut être utilisé en intégralité pour des sorties de type musées, concerts, opéra, théâtre, mais seuls 200 euros peuvent être dépensés pour des objets culturels, et 200 euros pour des « offres numériques ».
Les ateliers et formations sont aussi pris en compte dans ce forfait de 500 euros : initiation à la musique ou au dessin, stages, etc.
Les livres
Les livres comptent dans les « biens culturels » : les jeunes peuvent dépenser jusqu’à 200 euros… mais il semblerait que cette offre ne soit valable qu’en librairie.
Il y a quelques mois, le ministère de la Culture envisageait d’autoriser la commande de livres sur Amazon, si le jeune acceptait ensuite de « se déplacer à un guichet culturel pour récupérer le livre qu’il a acheté », sans préciser de quelle manière ce système pouvait être mis en place. Au vu du format du Pass Culture actuel, il semblerait qu’Amazon ait été pour l’instant complètement évincé du dispositif. Contacté par mail récemment à ce sujet, le ministère de la Culture a accusé réception de nos questions — cet article sera mis à jour avec leurs retours.
Certains audiobooks entrent en revanche dans les 200 euros qui sont réservés au streaming comme ceux d’Audible, mais aussi des livres en ligne venant de Bookeen, Izneo et Youboox (qui propose aussi des magazines).
La Presse
De nombreux sites d’information font payer pour une offre plus complète en ligne. Certains ont accepté de participer à cette première expérimentation du Pass Culture, comme le rapporte le Monde : 20 Minutes, Le Parisien, Les Échos, Les DNA, Le Télégramme, Midi Libre, Ouest-France, Info-Presse, Toutabo, Brief.me, Beaux-Arts, Connaissance des Arts, Première, Studio, Le Film français.
Les plateformes de vidéo ou musique par abonnement
Les jeunes vont-ils pouvoir se ruer sur un abonnement Netflix ou Spotify ? Pour le moment, le Pass Culture ne le permet pas. Seules les offres françaises sont comprises dans les 200 euros du Pass Culture qui sont réservés aux « biens culturels » et « offres numériques ».
Ainsi, si vous souhaitez avoir accès à une plateforme de SVOD, il faudra se tourner vers OCS ou la future offre de Canal+ et non Netflix ou Amazon Prime. Même chose pour la musique : seul le Français Deezer a été sélectionné. Il serait donc possible pour un étudiant de souscrire à deux abonnements à 9,99 euros par mois, pendant un 10 mois, via le Pass Culture.
Le Monde a détaillé la liste des offres numériques concernées : Arte, France Télévisions, Radio France, Canal+, Orange OCS, TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (INA), LaCinetek, Bachibouzouk.net, Carlotta films, Festival Scope, Filmotv, Tënk, Sybel.
Les jeux vidéo
C’est le sujet le plus épineux qui a été soulevé par certains de nos confrères, ce lundi 4 février. Les jeunes pourront avoir accès à des jeux vidéo mais uniquement ceux qui émanent de studios français, et qui ont un « caractère artistique, créatif, pédagogique ou culturel », selon le compte Twitter du Pass Culture.
Seuls quelques-uns des studios français ont à ce jour accepté de participer à cette phase de test (Advenworks, Anuman Interactive, Blacknut Jeux, Celsius Online), pour plusieurs raisons :
- La première, c’est que les studios doivent postuler pour entrer dans la liste de ces « offreurs » et que les critères sont apparemment sévères, comme le souligne BFM Tech, qui a interrogé Lévan Sardjevéladzé, président du Syndicat national du jeu vidéo. Celui-ci précise que les règles d’éligibilité sont les mêmes que « pour le crédit d’impôt jeu vidéo qui a un barème très complexe. »
- La deuxième, c’est qu’ils ne sont pour l’instant pas rémunérés, et ce pendant toute la période de test, qui doit s’étaler au moins jusqu’à l’été 2019. Si les jeunes auront l’impression de « payer » pour ces jeux vidéo, car le montant sera débité de leur portefeuille virtuel de 500 euros, les éditeurs, de l’autre côté, ont été priés de donner les codes gratuitement.
Le gouvernement aurait réservé 34 millions d’euros pour le financement de ce Pass en 2019 mais miserait beaucoup, pour éviter de voir la facture gonfler les années prochaines, sur sa capacité à convaincre les acteurs de la culture de proposer des biens et services gratuitement.
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