Le matériel fourni par Huawei constitue-t-il vraiment un risque de cybersécurité pour l’Occident ? Voilà des semaines que cette question occupe le devant de la scène, sans qu’aucune preuve tangible ne permette de démontrer que l’équipementier chinois travaille en sous-main pour Pékin. Si elles existent, elles n’ont en tout pas été rendues publiques par les autorités.
Dans ce contexte, le commentaire du Centre national de cybersécurité (NCSC) a une résonance toute particulière. Cette structure opérationnelle britannique, rattachée au service en charge du renseignement d’origine électronique pour le compte de Londres, le Government Communications Headquarters (GCHQ), a en effet déclaré que le risque potentiel que pose Huawei peut être géré.
C’est en tout cas ce que conclut un rapport confidentiel établi par le NCSC, selon le Financial Times le 18 février, qui s’appuie sur deux sources pour en connaître les grandes lignes. La façon dont le Royaume-Uni entend atténuer les menaces induites par l’utilisation des équipements construits par Huawei n’est pas précisée, mais elle devrait être en partie similaire à ce que prévoit Paris.
Un cadre durci pour Huawei ?
Car en France aussi, la méfiance prévaut. Pour limiter les risques sans se fâcher avec Pékin, plusieurs leviers sont envisagés. Paris ne souhaite pas non plus tenir une ligne radicale qui l’amènerait à se priver des compétences et du dynamisme d’un acteur certes controversé, mais qui a une avance importante dans le domaine de la 5G, la future génération qui sera bientôt déployée dans l’Hexagone.
Ainsi, il serait question d’interdire de se servir des produits de Huawei dans le cœur des réseaux des opérateurs, d’empêcher tout déploiement en Île-de-France (où est concentré un grand nombre de lieux de pouvoir), de fixer une limite de présence par équipementier à 50 % du réseau et d’établir un régime d’autorisation préalable durci et étendu. Un accès au code source, une exclusion des marchés publics et une surveillance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information peuvent aussi être envisagés.
La petite note discordante du NCSC est d’autant plus audible qu’elle provient d’un service officiel d’un pays qui appartient à ce qu’on appelle les Five Eyes, une alliance entre les USA, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Or, Londres a forcément des informations privilégiées de la part de Washington, qui se montre pourtant très vindicatif à l’endroit de Huawei.
L’analyse technique du NCSC ne préjuge pas de la décision politique qui sera prise par les autorités britanniques. Le rapport note cependant que les arbitrages de Londres pourront avoir un effet d’entraînement sur d’autres pays : si Londres accepte une présence maîtrisée de Huawei sur ses réseaux de télécommunications malgré ce que clame Washington, alors c’est que le danger n’est pas si critique que cela.
De toute évidence, les conclusions de ce rapport sont plutôt clémentes pour Huawei. Pour sa part, l’équipementier chinois, tout en cherchant à donner des gages de confiance et de bonne foi, s’est aussi livré à un discours plus offensif. Dans un entretien accordé à la BBC, le fondateur de l’entreprise, Ren Zhengfei, a souligné la puissance qu’a acquise la firme au cours des dernières années.
Le fondateur de Huawei s’exprime
« Il n’y a aucun moyen pour que les États-Unis puissent nous écraser » a-t-il lancé, alors que sa fille, Sabrina Meng Wanzhou, a été arrêtée et assignée à résidence au Canada en décembre, à la demande des USA, avec à la clé une éventuelle extradition. « Le monde ne peut pas nous délaisser parce que nous sommes plus avancés », a-t-il ajouté. Et cela, « même si [l’Amérique] persuade d’autres pays de ne pas nous utiliser temporairement ».
Quant aux liens supposés entre Huawei et Pékin, Ren Zhengfei ne s’est guère étendu sur le sujet : il a simplement expliqué que son entreprise ne s’est pas bâtie grâce à des liens politiques supposés entre la direction du groupe et le Parti communiste chinois. Il a aussi ajouté que sa société ne se livre pas et ne se livrerait jamais à des activités d’espionnage, propos qui sont toutefois invérifiables.
« Notre société n’entreprendra jamais d’activités d’espionnage. Si nous avons de telles actions, alors je fermerai la société », a-t-il affirmé. « Nous n’allons pas risquer de dégoûter notre pays et nos clients partout dans le monde » avec de tels actes, a-t-il ajouté. « Nous n’installerons pas de portes dérobées » et le gouvernement chinois « a déjà clairement dit qu’il ne le ferait pas ».
Il est vrai que la découverte de telles activités pourrait provoquer un violent retour de boomerang dans la figure de Huawei, avec un exode des clients, notamment les opérateurs, vers d’autres solutions. Cependant, il est aussi vrai que la loi chinoise exige de toutes les entreprises qu’elles soutiennent le travail de renseignement national et qu’elles coopèrent avec lui.
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