Voilà une candidate dont les géants du net feraient bien de se méfier. Et sans doute y réfléchiront-ils à deux fois avant de participer au financement de sa campagne, car Elizabeth Warren propose ni plus ni moins de démanteler certaines des plus grosses entreprises américaines du numérique, à commencer par celles que l’on appelle les GAFA : Google, Facebook et Amazon.
Seule Apple n’est pas mentionnée par la candidate démocrate.
Car la situation est grave aux yeux d’Elizabeth Warren. Elle estime que près de la moitié du e-commerce passe par Amazon. Concernant le trafic Internet, 70 % passent par des sites qui appartiennent ou qui sont opérés par Google et Facebook. Il faut donc apporter « d’importants changements structurels au secteur de la technologie afin de promouvoir plus de concurrence ».
Plan en deux étapes
Son plan, si elle accède à la Maison-Blanche, comporte deux phases.
D’abord, il faudrait faire voter une loi exigeant de désigner ces plateformes technologiques comme des plateformes d’utilité publique. Il faudrait en outre leur interdire la possibilité d’avoir une quelconque participation sur les autres sociétés profitant de cette plateforme. Il s’agit de les empêcher d’être la fois juge (maîtrise de la plateforme) et partie (possession de tout ou partie des firmes qui s’y trouvent)
« Les plateformes d’utilité publique seraient tenues de respecter un cadre de traitement équitable, raisonnable et non discriminatoire à l’égard des utilisateurs. Elles ne seraient pas autorisées à transférer ou à partager des données avec des tiers », écrit Elizabeth Warren. Ces règles s’appliqueraient aux entreprises dégageant plus de 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires global annuel.
À mesure que ces entreprises sont devenues plus puissantes, elles ont utilisé leurs ressources sur la façon dont nous utilisons Internet
Une fois de nouvelles règles établies pour le futur, l’administration Warren s’attaquerait à l’existant : « mon administration nommerait des organismes de réglementation déterminés à renverser les fusions illégales et anticoncurrentielles dans le secteur des technologies ». La candidate, qui est depuis 2013 sénatrice des États-Unis pour le Massachusetts, a donné trois exemples.
Concernant Facebook, il s’agirait de lui enlever la messagerie de discussion instantanée WhatsApp et le service de partage de photos Instagram. Google serait privé de l’outil de navigation GPS communautaire Waze, de la régie publicitaire DoubleClick et de Nest, dont la spécialité est les objets connectés. Quant à Amazon, on lui retirerait l’enseigne bio Whole Foods et le vendeur de chaussures Zappos.
Cette liste n’est pas exhaustive : elle pourrait être élargie, soit au niveau des entreprises visées, soit au niveau des filiales qui pourraient être séparées de leur maison-mère.
Une idée qui plane en Europe
La proposition de la candidate démocrate, qui est professeure de droit à Harvard, n’est pas tout à fait nouvelle. En tout cas en Europe, l’idée idée de démembrer les géants du net — en tout cas Google — existe au moins depuis 2010. La firme de Mountain View est en effet dans une posture particulière, car il est à la fois juge (le moteur de recherche) et partie (éditeur de services).
En France, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait été interpelé à ce sujet tandis qu’en Allemagne, Heiko Maas, le ministre des Affaires étrangères, se montrait sensible à cette idée, du temps où il était à la Justice. Il y a même eu l’adoption d’une résolution au Parlement européen appelant à couper Google en deux, avec une entité s’occupant de la recherche et l’autre récupérant tout le reste.
L’année dernière, Margrethe Vestager, la commissaire européenne en charge de la concurrence, a même évoqué le démantèlement de Google si la firme de Mountain View échoue à respecter les règles du Vieux Continent. Pour l’heure, Bruxelles a infligé deux très grosses amendes à Google, l’une de 2,4 milliards d’euros et l’autre de 4,34 milliards pour des abus de position dominante.
Il reste à gagner la campagne
Désormais posée sur la table, il reste à voir quel sera le destin de cette promesse de campagne. Rien ne dit qu’elle survivra à l’élection présidentielle américaine de 2020, car il faudra avant tout qu’Elizabeth Warren sorte victorieuse des primaires du parti démocrate. Primaires qui s’annoncent difficiles, vu le nombre de candidats en lice — on dénombre pour l’heure une quinzaine de noms.
Il n’en demeure pas moins que l’intéressée s’est fait remarquer avec une première idée audacieuse consistant à créer un impôt fédéral sur la fortune. Ce serait une première aux USA. La nouvelle a eu un fort écho en France, du fait de la disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune. Quel que soit le retentissement qu’a eu cette proposition outre-Atlantique, celle de démanteler les géants du net devrait atteindre des sommets.
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