La Commission européenne n’a finalement pas sorti l’artillerie lourde contre Google, mais elle ne s’est pas non plus contentée d’une tape sur les doigts. Pour la troisième amende qui a été infligée à la firme de Mountain View en l’espace de trois ans, annoncée ce mercredi 20 mars, Bruxelles a choisi 1,49 milliard d’euros comme montant. Ce sont ses activités dans la publicité en ligne qui sont ici sanctionnées.
« Google a consolidé sa position dominante dans le domaine des publicités contextuelles en ligne et s’est prémuni contre la pression concurrentielle en imposant des restrictions contractuelles anticoncurrentielles aux sites web tiers. Ces pratiques sont illégales », commente Margrethe Vestager, la commissaire européenne en charge de la politique de la concurrence dans l’Union.
« Du fait de ce comportement qui a perduré pendant plus de 10 ans, les autres sociétés se sont vu refuser la possibilité d’affronter la concurrence sur la base de leurs mérites et d’innover et les consommateurs ont été privés des avantages de la concurrence », ajoute-t-elle. Des centaines d’accord ont été passés en revue et les services bruxellois ont relevé trois principales dérives.
Ce que reproche Bruxelles à Google
- à partir de 2006, Google a inclus des clauses d’exclusivité dans ses contrats. Autrement dit, les éditeurs n’étaient pas autorisés à placer des publicités contextuelles de concurrents sur leurs pages de résultats de recherche. La décision concerne les éditeurs dont les accords passés avec Google exigeaient ce type d’exclusivité pour tous leurs sites web;
- à partir de mars 2009, Google a progressivement commencé à remplacer les clauses d’exclusivité par des clauses appelées «Premium Placement». Elles obligeaient les éditeurs à réserver l’espace le plus rentable sur leurs pages de résultats de recherche aux publicités de Google et exigeaient un nombre minimal de publicités de Google. Par conséquent, les concurrents de Google étaient dans l’impossibilité de placer leurs publicités contextuelles dans les zones les plus visibles et les plus visitées des pages de résultats de recherche des sites web;
- à partir de mars 2009, Google a aussi inclus des clauses obligeant les éditeurs à disposer de l’accord écrit de Google avant de pouvoir modifier la manière dont les publicités concurrentes étaient affichées. Cela signifiait que Google pouvait contrôler le degré d’attractivité, et donc le taux de visite, des publicités contextuelles concurrentes.
Pour la Commission, ces manœuvres ont d’abord empêché les rivaux de Google dans la publicité de placer leurs annonces contextuelles sur des sites de premier plan ou ayant un intérêt commercial. Par la suite, elles ont permis à Google de se réserver les meilleurs emplacements publicitaires tout en gardant un œil sur les performances de la concurrence, et cela sur plus de la moitié du marché.
Impossible donc pour les concurrents de Google dans la publicité de rivaliser sur la base de leurs mérites propres.
Amendes en 2017, 2018 et 2019
En 2017, l’exécutif européen a prononcé une amende de plus de 2,4 milliards d’euros contre le géant du web, au motif qu’il a des pratiques déloyales sur le secteur de la recherche en ligne. Il lui est reproché de favoriser son propre service de comparaison de prix — Google Shopping — au détriment de la concurrence. L’entreprise a déposé un recours pour contester ces allégations.
L’année suivante, Bruxelles a monté d’un cran dans l’échelle des sanctions en exigeant cette fois le paiement d’une amende de plus de 4,3 milliards d’euros. Là encore, un recours a été déposé par la société. Dans ce dossier, il est reproché à Google d’avoir des pratiques illicites dans l’écosystème Android, afin de renforcer sa position dominante, notamment dans le domaine de la recherche web.
Pour 2019, c’est donc AdSense qui en prend pour son grade. La Commission européenne cherchait à déterminer si Google a imposé des restrictions sur la capacité des sites web tiers à afficher des publicités contextuelles émanant de concurrents de la firme de Mountain View. À l’été 2016, la Commission avait déjà conclu à titre préliminaire que Google a abusé de sa position dominante.
Au maximum 12 milliards d’euros
La Commission européenne a le pouvoir de ponctionner jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires d’Alphabet, la maison-mère de Google. Celui-ci s’étant élevé à un peu plus de 136 milliards de dollars en 2018, l’amende de Bruxelles aurait pu atteindre potentiellement les 13,6 milliards de dollars — soit environ 12 milliards d’euros. Cela aurait été la sanction financière la plus forte jamais imposée par la Commission à une société.
Rien ne disait évidemment que ce seuil allait être atteint, puisqu’il s’agit d’un plafond. De toute façon, quel que soit le montant retenu, Google n’entend pas se laisser faire. Les deux précédents cas en sont l’illustration : Google utilise les recours juridiques à sa disposition pour tenter de diminuer ou d’annuler cette peine. Il n’y a aucune raison qu’il ne fasse pas de même pour cette troisième amende.
Il est probable que le verdict de l’enquête européenne produise quelques commentaires du côté de la Maison-Blanche. En 2018, lorsque l’amende de 4,3 milliards d’euros a été rendue publique, Donald Trump s’est emparé de Twitter et a déclaré, avec un ton aux airs d’avertissement : « Je vous l’avais dit ! [L’Union européenne a] vraiment profité des États-Unis, mais pas pour longtemps ! »
Dans l’Union européenne, les amendes payées par les entreprises condamnées par la Commission sont versées au budget communautaire. Elles « contribuent donc à financer l’Union européenne et à réduire la charge fiscale des particuliers », indiquent les services bruxellois.
(mise à jour le 20 mars avec l’annonce de la Commission européenne)
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