Le Parlement européen a adopté ce mardi 26 mars la tant contestée proposition de directive sur le droit d’auteur, présentée par la Commission en septembre 2016. Si le parcours européen de ce texte est désormais terminé, les débats ne sont pas pour autant terminés. Un nouveau chapitre législatif, national cette fois, s’ouvre.
Et maintenant ?
Maintenant que la proposition de directive sur le droit d’auteur a été adoptée par le Parlement européen, il reste maintenant à transposer ce texte dans les législations nationales. Dans ce domaine, la France entend aller vite : la directive sera transposée en deux temps, à travers deux textes de loi. Ces dispositions seront donc réparties dans la loi, mais sans que cela ne change rien au résultat final.
Une première proposition de loi doit être présentée dès le mois de mai. Elle concernera l’article 11, devenu 15. Celui-ci vise la création un droit voisin pour les éditeurs de presse, en leur donnant un droit « auxiliaire » au droit d’auteur. L’autre texte sera la loi audiovisuelle, qui doit être présentée en Conseil des ministres cet été. Il contiendra les dispositions de l’article 13, devenu 17, sur le filtrage.
Quel délai ?
Dans les règles de fonctionnement de l’Union européenne, il faut savoir qu’une directive n’est pas d’application immédiate, à la différence d’un règlement (comme le RGPD par exemple). Les États membres disposent d’un délai entre l’adoption au niveau européen et la transposition dans leur corpus législatif. Celui-ci est en général de deux ans, mais un pays peut aller plus vite s’il le souhaite.
De plus, la directive laisse aux États une certaine appréciation sur la façon de satisfaire les objectifs du texte. Dans ses règles de fonctionnement, l’Union européenne explique ainsi que « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Cette réforme n’a donc pas fini de faire parler d’elle.
Qui a voté quoi ?
658 élus sur les 750 que compte le Parlement européen ont participé au vote. 348 ont voté en faveur de la directive, 274 s’y sont opposés et 36 votants ont voté blanc.
Selon une analyse du scrutin proposé par l’eurodéputée Julia Reda, le Parti populaire européen (PPE) a voté en masse pour le texte. Idem, mais de façon moins franche, pour l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) et le Parti de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE).
À l’inverse, l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD), la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) et le Groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/EFA) ont été les plus hostiles au texte.
Quant aux Conservateurs et réformistes européens (CRE) et à l’Europe des nations et des libertés (ENL), ils sont apparus très divisés.
Quelles sont les exemptions ?
L’article 13, devenu article 17, est le plus controversé de la directive parce qu’il ouvre la voie au filtrage des contenus lors de leur mise en ligne (upload). Il s’agit d’empêcher les internautes de partager du contenu sous droit d’auteur. Or pour répondre aux exigences de la directive et en l’absence d’accord de licence, une automatisation du filtrage s’avère indispensable.
Il existe néanmoins des catégories de sites qui sont exemptées de ces mesures : les encyclopédies à but non lucratif (comme Wikipédia), les places de marché (comme Amazon), les plateformes de développement et de partage de logiciels open source (comme GitHub), les services individuels de stockage dans le cloud sans accès direct au public ou encore les répertoires scientifiques ou destinés à l’enseignement.
Le Parlement européen affirme également que les exceptions au droit d’auteur restent prises en compte : « L’upload d’œuvres protégées à des fins de citation, de critique, d’avis, de caricature, de parodie ou de pastiche » sera toujours possible, déclare le communiqué. « Les mèmes et les GIF continueront d’être disponibles et partageables sur les plateformes en ligne », est-il ajouté.
Il reste à démontrer la capacité de discernement des filtres, qui sont connus pour leurs nombreux faux positifs.
Enfin, le texte prévoit un régime d’obligations moins strict pour les jeunes plateformes. Il faut pour cela qu’elles aient moins de trois ans d’existence, présentent un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros par an et affichent une affluence n’excédant pas 5 millions de visiteurs uniques mensuels. Pour bénéficier de cette exemption, la jeune plateforme doit satisfaire ces trois critères en même temps.
Quelle riposte pourrait avoir lieu ?
Du fait de son omniprésence sur le web, Google est la plateforme la plus exposée aux deux mesures les plus controversées de la directive. L’article 11, devenu l’article 15, qui entend créer un droit voisin pour les éditeurs de presse, en leur donnant un droit « auxiliaire » au droit d’auteur, est une difficulté pour Google News. Quant à l’article 13, renommé en article 17, c’est surtout du côté de YouTube que les effets vont se faire ressentir.
Google a mené un fort lobbying pour contrer la directive européenne, sans parvenir à surclasser le lobbying inverse mené par les industries du divertissement et un large pan des médias. En riposte, la firme de Mountain View dit pouvoir fermer Google News, dans toute l’Europe ou dans certains États. Cette perspective a été évoquée en novembre par l’un des responsables de la société.
(mise à jour le 28 mars avec les prochaines étapes législatives en France)
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